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Jerzy Giedroyc, Michał Heller. Maisons-Laffitte, 1989 / Sygn. FIL00547
FOT. BOHDAN PACZOWSKI

Mikhaïl Heller : le « Russe polonais » de Maisons-Laffitte

JĘDRZEJ PIEKARA


Je fréquente un charmant homme, sovétski tchelavek, pourvu d’un authentique passeport de là-bas, Misha Heller, Juif russe, cinq ans de Goulag (eh oui !), grand connaisseur de la littérature russe, historien (diplômé de Moscou), il est venu en Pologne en 1956, a travaillé dans l’Agence polonaise de presse comme traducteur du polonais vers le russe, il a traduit quelques morceaux plutôt importants (le dernier était des discours de congrès). Il est arrivé ici avec sa femme, une Juive polonaise, et ils ne retournent pas en Pologne [1].

C’est non sans raison que Mikhaïl Heller, cet homme charmant, érudit, spécialiste de la littérature et historien soviétique a suscité l'intérêt de Zygmunt Hertz, cofondateur de l'Institut littéraire.  Citoyen-émigré d'Union soviétique qui - selon les propos de Władysław Gomułka, « a fait son choix et en a tiré des conséquences adéquates » [2] - a quitté la République populaire de Pologne avec la vague d'émigration juive. Il s’est donc retrouvé, dans la seconde moitié de 1968, à Paris qui deviendrait la dernière étape de son exil. Il se lance aussitôt dans un intense travail de recherche et de journalisme, séduit par la liberté que le monde occidental offrait à l'époque à un réfugié du bloc soviétique. Et, notamment, il commence à collaborer avec les éditions des émigrés polonais, avec cette principauté dirigée par Jerzy Giedroyc qu’était Kultura, basée à Paris. A la demande du rédacteur en chef, durant une trentaine d’années, il rédige des comptes-rendus mensuels sur le contenu de journaux soviétiques. Il y publie aussi des articles sur la littérature et l’histoire, des critiques et des analyses d’ouvrages, fait éditer trois volumes d’auteur, dans la « Bibliothèque de Kultura ». Au fil des ans, il devient ainsi l'un des piliers du périodique de Maisons-Laffitte, se fait connaître comme éminent soviétologue, spécialiste de l'histoire et de l'idéologie de l'URSS. Il tient sa connaissance de l'Union soviétique de deux sources : la première, la plus importante probablement, est liée au fait qu’il a pu éprouver ce régime politique lui-même, en comprendre les mécanismes alors qu'il vivait encore en URSS, puis en République populaire de Pologne ; la seconde source, en revanche, venait de sa formation d’historien et de sa passion pour la lecture. Tout cela lui a permis d'analyser la réalité soviétique d'une manière à la fois juste et révélatrice.

Avant de devenir un soviétologue de renommée mondiale, l'auteur de L'Utopie au pouvoir, La Machine et les rouages ou L'Histoire de la Russie et de son empire, Heller a traversé un chemin difficile, à travers deux capitales, Moscou et Varsovie. Pour connaître et comprendre l'œuvre de ce Russe d'origine juive, il convient de retracer sa vie qui commence en 1922, à Moguilev, ville biélorusse peuplée alors de quelques dizaines de milliers d'habitants.

Mikhaïl Heller naît le 31 juillet 1922, dans une famille d'artisans. Il est le troisième fils de Jakub et Gita (née Zisman[3]) Heller. Dès le mois d'octobre de la même année, les Heller déménagent à Moscou, dans le quartier de Zamoskvoretseche[4] . Mikhaïl grandit dans un baraquement communautaire, donnant sur la cour de la rue Tatarska[5]. De sa petite enfance, il garde surtout le souvenir des conditions modestes et difficiles de vie à cet endroit [6]. Jeune, Heller subit une grave fracture à la jambe, il n’en a jamais tout à fait guéri. Il va boiter toute sa vie, utiliser des chaussures orthopédiques, avoir du mal à marcher. Il fréquente une école élémentaire et secondaire dans la capitale ; à l'âge de 18 ans, il y obtient son baccalauréat [7]. Contrairement à ses frères qui sont allés travailler à l’usine, Heller a réussi son concours et commence des études supérieures. À partir de 1940 [8], il est étudiant à l'Université d'État de Moscou (MGU) à l'Institut de philosophie, de littérature et d'histoire [9], avec comme spécialisation l’histoire soviétique et celle des relations internationales [10]. Ses études durent moins d'un an, interrompues par début de la guerre germano-soviétique, en juin 1941. En raison de ses difficultés à marcher, la commission militaire le réforme [11]. Il en est malheureux puisqu’il souhaitait vivement rejoindre ses frères au front. Resté civil, il peut toutefois aider à la défense de la patrie des prolétaires. Etudier, entre juin et novembre 1941, n’était pas facile, comme pour la plupart des étudiants probablement, il fallait non seulement assister aux cours, mais aussi construire des fortifications et aider à la défense aérienne.

Début novembre 1941, la décision est prise d’évacuer l'université et les étudiants au fond de la Russie [12]. Le MGU est d'abord déplacé à Tachkent [13], puis à Achgabat et à Sverdlovsk [14]. A Sverdlovsk, le jeune historien est invité par le parti à rejoindre ses rangs en récompense de ses excellents résultats universitaires [15]. Heller décline l'offre mais pas en raison de son attitude critique envers le régime. Dans une de ses interviews, des années plus tard, il explique avoir été convaincu qu'il n'était pas encore prêt à devenir membre du parti [16]. Dans un film réalisé par la télévision polonaise, il dit ne pas savoir exactement pourquoi il a rejeté la proposition à l'époque [17]. La situation s'améliorant pour l'URSS sur le front allemand, la diaspora académique prend fin, et l'université peut revenir à Moscou [18]. Le retour a lieu en 1944 et, dès l'année suivante, le jeune et ambitieux historien parvient à terminer ses études. En hiver 1945, Heller soutient sa maîtrise qui porte sur les relations germano-japonaises à la veille de la Première Guerre mondiale [19].

L'université de Moscou apporte à Heller autre chose que l’éducation. En 1940, il y rencontre sa future épouse, Eugenia Chigryn, une Juive d’origine polonaise qui a réussi à entrer à l'université de Moscou [20]. Elle est née le 29 septembre 1922[21]. Sa famille est originaire de Slonim qui a fait partie de la IIe République de Pologne [22], mais qui est occupée par l'Armée rouge dès 1939. Jusqu’à l’été 1940, elle a fréquenté l’école de sa ville natale où elle a obtenu son diplôme d'études secondaires [23]. Un sentiment fort entre les deux jeunes gens naît ce qui les conduit à officialiser leur relation après le retour de l'université à Moscou. Le mariage a lieu le 25 août 1944, il est enregistré dans le bureau des archives du district de Timiriazevska [24]. Le 8 mars de l'année suivante, leur fils Leonid est né. Au début, le couple vit dans la vieille maison de Mikhaïl, avec sa famille. Mais ils la quittent rapidement pour s'installer dans une maison d’étudiants. Par la suite, ils habitent divers appartements sociaux.

Comme son mari, Eugenia a étudié à l'Institut d'histoire, mais sa spécialité était l'histoire des pays slaves. Après avoir obtenu son diplôme de MGU, elle a été embauchée en tant que journaliste à la rédaction polonaise de Radio Moscou [25]. De plus, elle travaille souvent comme guide des délégations de politiciens, d'artistes et de journalistes polonais en visite à Moscou [26]. C’est en sa qualité de guide qu’elle a rencontré, entre autres, Andrzej Wajda ou Wiktor Woroszylski [27]. Mikhaïl n'exerçait aucune profession, mais travaillait sur sa thèse de doctorat [28]. Au début, après la guerre, il gagnait un peu d’argent, notamment en rédigeant des mémoires d’étudiants [29].

Heller noue rapidement des contacts avec plusieurs institutions scientifiques de l'URSS. Entre 1947 et 1949, il écrit des articles et collabore à la rédaction de Dictionnaire diplomatique soviétique (Дипломатический словарь)[30]. Dans les mêmes années, il travaille également pour la section de bibliographie et de documentation scientifique de l'Edition littéraire en langues étrangères [31]. En 1949, il commence à travailler dans deux domaines : scientifique et littéraire. Pendant trois ans, il collabore avec la section d'histoire générale à la rédaction d'articles pour la deuxième édition de la Grande encyclopédie soviétique (Большая советская энциклопедия) [32] et avec la revue de littérature soviétique publiée en langues étrangères, Soviet Literature [33]. Au total - selon les données qu'il fournit dans l’annexe de publications joint à son CV en anglais - il a publié plus de 50 articles sur l'histoire russe, polonaise et étrangère dans la Grande encyclopédie soviétique. En même temps, il écrit plus de 30 articles sur l'histoire des relations germano-russes pour le Dictionnaire diplomatique [34]. En outre, il participe à la rédaction de l’œuvre complète de Rosa Luxemburg [35], et se il voit offrir un poste dans la rédaction en plusieurs volumes de l'Histoire de la guerre civile en URSS, travail qu'il refuse [36].

Tout cela indique clairement que pendant « sa période de liberté » en URSS, Heller n'était pas un opposant au régime communiste. Le monde académique de l'URSS l'appréciait, et l'historien lui-même ne critiquait pas la réalité soviétique. L'expérience qui fait définitivement changer la vision de Heller, à titre personnel et scientifique à la fois, est sa condamnation à une peine de quinze ans au Goulag. Avant d'y être relégué en 1952, il passe près d'un an dans une prison de Moscou [37]. La raison de son arrestation semble banale et, par conséquent, l’importance de sa condamnation provoque la surprise. Heller a donc été envoyé au Goulag au Kazakhstan pour avoir été fictivement répertorié comme employé d'une usine [38]. Il n'y a pas travaillé ni touché de salaire, mais il a pu ainsi consacrer son temps aux études et à la recherche. Les autorités, aidées par une dénonciation, ont détecté cette pratique et le tribunal a envoyé Heller à Karlag, dans l'est du Kazakhstan. Tout au long de l'emprisonnement de son père, Leonid Heller, âgé de sept ans, était convaincu que son père était parti pour occuper un poste d'enseignant dans une école kazakhe [39].

Malgré une peine initiale de quinze ans de Goulag, Heller est libéré dès l'été 1956 [40]. Quand il quitte le camp, il est un autre homme : non seulement il est devenu critique à l'égard de son pays, mais il a aussi contracté la tuberculose dont il souffrira jusqu'à la fin de sa vie [41]. Il doit sa liberté à son épouse qui a pu prouver son mauvais état de santé [42], et à l'amnistie proclamée par les nouvelles autorités soviétiques, après la mort de Staline [43]. Il est toutefois désigné par le "paragraphe 49", ce qui signifie qu'il ne peut s'installer dans aucune des grandes villes soviétiques [44]. Heureusement pour lui, au même moment, après le XXe congrès du PCUS, la loi sur le rapatriement est adoptée. Elle s’adresse aux citoyens polonais nés sur le territoire de la République de Pologne avant 1939, ce qui inclut aussi Eugenia Heller. Le jeune couple décide alors de saisir cette opportunité et fuir en Pologne [45].

Les Heller y arrivent dans les premiers jours de 1957 [46]. Des relations avec des Polonais, qu’ils ont nouées encore en URSS, les aident à refaire leur vie. Ils emménagent dans un appartement de deux pièces, d'une trentaine de mètres carrés au 29/5 rue Walecznych à Varsovie. Malgré ce départ, le couple entretien le contact avec leur famille restée en Union soviétique, les deux reviennent souvent à Moscou pour rendre visite à leurs vieux amis et à la famille de Mikhaïl [47].

Heller trouve un emploi à l'Agence de presse polonaise (PAP). Il y remplit deux rôles, de traducteur du russe [48] et rédige un bulletin interne sur les questions russes [49]. À Varsovie, il travaille aussi dans une agence télégraphique et dans les archives de la ville [50]. Il est plus actif en tant que journaliste et rédacteur qu'universitaire, et il n'envisage pas de poursuivre une carrière d'historien. Dans les années 1960, son fils Leonid s’inscrit à la faculté d'architecture de l'Ecole polytechnique de Varsovie. Sa femme a également poursuivi ses études. Eugenia Heller décide de suivre sa passion, le cinéma. Entre 1958 et 1961, elle étudie l'histoire et la théorie du cinéma à l’Ecole supérieure de cinéma de Varsovie [51]. Elle est ensuite employée pendant deux ans à l'Institut pédagogique de Varsovie en tant que lectrice de russe [52]. De 1963 à 1966, elle travaille aux Archives centrales du film et s'occupe de la programmation du cinéma « Iluzjon »[53]. Tout au long des années 1960, elle collabore à plusieurs revues de cinéma ( Kwartalnik Filmowy, Film, Kino et Kamera)[54].

Heller partage son temps à Varsovie entre le travail, la lecture et les rencontres dans le milieu intellectuel. Par rapport à la période soviétique, sa vie s’améliore en Pologne de manière significative. Il en parle ainsi :

C’étaient de bonnes années, je dirais même des années essentielles dans ma vie. [...] La Pologne était pour moi, né en URSS, une sorte de caisson, de chambre de décompression. Ici, j'ai appris à connaître des choses dont je n'avais aucune idée auparavant, ou très peu. J'ai rencontré d'autres personnes. Grâce à cette période, j'ai été plus tard en quelque sorte préparé à la vie en Occident [55].

Wiktor Woroszylski, l'un des plus proches amis polonais de Heller, se souvient aussi de la période polonaise du couple. Il parle, entre autres, de la surprise que représentaient pour un émigré de l’URSS les situations très ordinaires de la vie d'un Varsovien :

Après ce camp où il était resté plusieurs années, et après une vie entière dans ce pays sans jamais le quitter, il était un peu déconcerté par ce qui lui semblait être un large espace de liberté. Je me souviens de certains de ses étonnements, par exemple quand il devait régler quelque chose dans une administration et qu’il s’étonnait qu’on n’exige pas de laissez-passer, qu’il n’y ait pas nos plus de gardes dans l’entrée. Mais il n'était pas encore capable de déployer ses ailes et je pense qu’il s'est contenté très facilement, qu’il était juste satisfait après ce qu'il avait vécu chez lui, en Russie, de la situation d’un homme qui a enfin du travail [...] [56].

Pendant son séjour en Pologne, Heller évolue dans un large milieu tant au niveau national qu'international. Dans les années 1960, il voyage à de nombreuses reprises en Occident, soit pour des vacances, soit pour des traitements dans des maisons de cure où il entre en contact avec l'intelligentsia locale. Au cours d'un de ces voyages, il réussit à sortir de Pologne les Histoires de la Kolyma de Varlam Chalamov que ses amis d’URSS lui ont confiées [57].

Mais après des années passées dans la Pologne populaire, Heller perd peu à peu son « admiration » pour l'espace de liberté dont jouissait alors le pays. Ses voyages sont l’occasion d’observer le monde occidental, il se rend donc compte qu'il ne peut, qu’il ne veut pas rester en Pologne, vivre dans la réalité socialiste. Sa décision de partir est prise en août 1968 [58]. Ce qui l'influence alors c'est la campagne antisémite déclenchée par l'équipe de Gomulka commencée en 1967, après la guerre des Six Jours [59], et l'invasion des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie [60]. Encouragé pendant des années par sa femme, Heller quitte Varsovie pour Paris [61]. Ils arrivent dans la capitale française, l'un suivant l'autre, en novembre 1968 [62].

Le voyage était, semble-t-il, illégal ; officiellement, les Heller partaient en vacances, et Mikhaïl a prétendu se rendre en France pour un traitement médical. Sa lettre du 7 octobre 1968 au commandant de la milice de Varsovie stipule ce qui suit :

Réclamation

Ma demande de visa de retour en Pologne dans le cadre d'un voyage prévu en France m’a été refusée, pour des raisons qui me sont inconnues, par le Département des visas et de l'enregistrement des étrangers. Je demande un réexamen, en tenant compte du fait que j'ai l'intention de me rendre en France pour un traitement médical. Je souffre de tuberculose pulmonaire [...] [63].

Dans une autre lettre, qui date probablement de décembre 1968, Heller écrit à son employeur, l'Agence de presse polonaise, une demande de prolongation de son congé. Il envoie cette lettre tout en sachant qu'il allait s’installer en France. La réponse de l’Agence du 6 janvier 1969 est négative : le congé n’est pas octroyé et ses absences après le 22 décembre 1968 ne seront pas excusées [64].

Cela indique clairement que Heller dissimulait aux autorités polonaises son intention d'émigrer à l'Ouest. Son fils, Leonid Heller, l'explique plus en détail :

Mon père dissimulait le fait qu'il allait fuir de Pologne [...] en cas de complications, il a maintenu la version de son retour. Les soins n’étaient qu’un camouflage, mon père a essayé de partir le plus « légalement » possible pour ne pas empêcher mon émigration, je restais encore en Pologne. Mes parents ont voulu me protéger pour que je n'aie pas de problèmes lorsque leur départ sera prolongé. Je suis resté plus longtemps en Pologne, mon père est parti en octobre 1968 et je suis resté jusqu'en mars 1969 [65].

Les autorités polonaises ont aussi probablement ignoré le fait qu'Heller avait été invité à participer à une série de conférences à la Sorbonne sur la poésie soviétique. Ces conférences ont eu lieu entre le 15 novembre et le 15 décembre 1968. L'invitation officielle, par lettre, a été envoyée à Heller par Jean Bonamour, professeur à la Sorbonne [66].

Alain Besançon dira, des années plus tard, qu’en arrivant à Paris, en 1968, Heller transportait tous ses biens « dans sa tête » [67]. Cet ami proche de l'historien soviétique écrit que le jeune émigré se distinguait par ses quatre qualités : une faculté de lire, une insatiable curiosité, un amour de la vérité et son horreur du communisme [68]. Mikhaïl était déterminé à refaire sa vie à Paris. En témoignent les lettres que Zygmunt Hertz adresse alors à son ami Czesław Miłosz :

Lettre du 14-16 décembre 1968

A propos de [...] de notre Mikhaïl, je vais te persécuter et insister, mais pas tout de suite, parce que c’est un gars génial. Son départ de Pologne : la fouille à Okęcie par quatre douaniers – « les prowierki » dans son camp n’étaient rien comparés à ce qui s'est passé l’aéroport, il était à moitié mort le lendemain de son arrivée de Pologne [...]. Un douanier haut gradé a rédigé un protocole après la fouille (ils lui ont confisqué 2,5 kg de papier, à savoir la thèse de doctorat de sa femme et des notes sur ses séjours à Moscou) [69].

Lettre du 13 mars 1969

Mon Mikhaïl garde une grande modestie et beaucoup de calme. « Eh bien, je suppose que c'est comme ça que les choses devaient se passer, je vais recommencer ma vie une nouvelle fois ». Pas d’injures, comme quoi ce sont des bâtards, des crapules, que leur fils n'avait pas fini ses études à la Polytechnique, qu'ils avaient dû émigrer [70].

Les Heller sont chaleureusement accueillis à Paris par des amis polonais et français. Grâce à l'appui de slavistes français, surtout les professeurs Jean Bonamour et Alain Besançon, Heller obtient un poste d'assistant à la Sorbonne [71]. Zygmunt Hertz et Jerzy Giedroyc, à leur tour, l’invitent à collaborer avec Kultura en tant que journaliste. A partir de 1969, Heller travaille sur sa thèse de doctorat et enseigne la littérature soviétique. Le 26 février 1972, il soutient sa thèse de doctorat [72], et son habilitation, le 7 juin 1980[73]. A l'université, il collabore également avec l'unité d'études polonaises [74]. Il y participe aux colloques, séminaires, conférences, également comme un des organisateurs [75]. Au début des années 1980, il enseigne aussi à l'École des hautes études en sciences sociales. Il y tient un séminaire d'histoire moderne et soviétique. En 1987, à l'âge de 65 ans, l'âge de la retraite en France, il se retire [76]. En 1988, il reçoit la médaille d'argent du CNRS, pour l'ensemble de ses recherches [77].

Dès le début de son séjour en France, Heller a demandé la nationalité française pour lui-même et sa femme. Ils l’obtiennent après six ans de présence dans le pays, en 1975. Le document confirmant cette décision est émis le 22 septembre et publié au Journal Officiel six jours plus tard [78]. A partir de ce moment, Heller a donc la double nationalité soviétique et française, sa femme la nationalité polonaise et française. Cette situation dure quasiment huit ans, jusqu'au moment où Youri Andropov, alors le premier secrétaire et dirigeant de l'URSS, publie un décret selon lequel Mikhaïl Heller est privé de sa citoyenneté soviétique [79]. L'arrêté allant en ce sens est publié le 16 décembre dans le livre de lois de l'URSS de 1983, sous le numéro 10459-X [80]. Heller en est informé par courrier où l’on lui demande également de rendre son passeport soviétique. L’information à ce sujet se trouve dans les lettres de l'ambassade soviétique à Paris des 4 et 19 janvier 1984. Dans la première lettre, l'ambassade demande « au citoyen Heller M.J. » de se présenter dans ses locaux pour un entretien, aux heures d'ouverture [81]. On peut supposer que Heller n'a pas répondu à la première demande puisque, dans une lettre du 19 janvier, l'ambassade informe de nouveau le « citoyen Heller » que sa nationalité lui a été retirée, et qu'il lui est demandé de rendre son passeport [82]. Cette seconde lettre est la dernière, ce qui laisse croire que Heller a rendu son passeport à l'ambassade soviétique.

Heller est probablement déchu de sa citoyenneté soviétique à cause de sa réécriture de l’histoire de l'Union soviétique dans son ouvrage Utopie au pouvoir. Histoire de l’URSS de 1917 à nos jours, publié en 1982 avec A. Nekritch. Cet ouvrage gagne rapidement du public, il est couronné du prix de l'Académie des sciences morales et politiques qui lui est attribué le 14 juin 1982[83]. L’Utopie est le premier livre de Heller qui traite directement de l'histoire de l'URSS. Auparavant, Heller ne publie que ses thèses, de doctorat et d'habilitation, toutes deux consacrées à la littérature soviétique.

Notons que si Heller n’est présent pour le public franco et anglophone qu'à partir de 1982, le lecteur polonais le connait déjà. Chaque mois, il peut lire ses textes, écrits sous le pseudonyme Adam Kruczek, dans Kultura parisienne. Jerzy Giedroyc a fait son possible pour attirer, sur les pages de la revue, Kruczek-Heller dès que l'émigré soviétique s'est retrouvé en France. Dans une lettre [84] datée du 26 mars 1969, il écrit ceci :

Je suis un importun, je veux donc conclure notre dernier entretien. Je compte vivement sur la chronique russe qui comprendrait des informations sur tous les domaines, et qui paraîtrait dans chaque numéro de Kultura. J'imagine qu'il pourrait s'agir de notes, de différentes longueurs, allant de l’analyse de livres à celle des événements politiques ou des questions historiques. Je pense que ce genre de chronique pourrait devenir la plus intéressante de la presse mondiale.

Heller accepte la demande de Giedroyc et lui envoie la première partie du cycle « Dans la presse soviétique » qui paraît dans le numéro de mai. C'est ainsi que débute une longue collaboration qui durera vingt-sept ans. Heller a écrit donc pour Kultura 267 articles dans le cycle en question et 46 textes en dehors de cette rubrique, il fait paraître 7 articles dans Zeszyty Historyczne/Cahiers historiques. Il signe de ce pseudonyme la grande majorité de ses textes. Il l’explique que, pour diverses raisons, il ne voulait pas signer de son nom. Quant à l'origine de son pseudonyme, Heller avoue qu’il n’y a pas longtemps réfléchi. Il l’a emprunté au nom de famille du chef polonais du Conseil central des syndicats, Władysław Kruczek (qu’il avait lu dans Trybuna Ludu )[85]. Ayant toutefois oublié le prénom de cet éminent militant du parti communiste polonais, il l'a emprunté au premier homme sur terre, Adam [86].

Les écrits journalistiques de Heller évoluent en même temps que son rôle à l’Institut littéraire. Il devient rapidement l'un des plus remarquables noms de Kultura, rejoignant ainsi le rang des grandes plumes de la revue, le Londonien et le Bruxellois. Mais pour Jerzy Giedroyc, il n'était pas seulement l'un de ses auteurs, il était un expert incontesté des affaires soviétiques. On serait tenté de dire que, dans une large mesure, l'opinion de Giedroyc, et par conséquent celle de Kultura, sur les affaires soviétiques, a été façonnée par Heller. En témoigne la correspondance entre Giedroyc et Heller laquelle, grâce à Giedroyc qui conservait tant les lettres qu'il recevait que les copies de son courrier, a été intégralement préservée, elle est disponible aujourd’hui à Maisons-Laffitte [87]. Cette correspondance décrit non seulement leur relation, elle retrace aussi le positionnement de l'Institut littéraire face à l'émigration russe.

Cette correspondance contient des discussions sur les problèmes ou les questions les plus importants, des articles, des livres, des informations sur des personnalités du monde de la politique et de la culture, elle comporte aussi diverses demandes d'aide que formulait l'éditeur. De plus, Giedroyc informe aussi son auteur de l'avancement des publications, il fait des propositions éditoriales.

Il est utile de citer quelques extraits du courrier que Giedroyc a adressé à Heller, ces lettres éclairant l'importance de l'émigré soviétique dans ce milieu :

Lettre du 20 février 1969

[...] il y a un sujet qui m'intéresse beaucoup : on me dit que deux manuscrits de Soljenitsyne se trouveraient en Occident, l'Archipel et le Goulag. Savez-vous quelque chose à ce sujet ? Je ne sais pas si c'est vrai, et si c'est le cas, qui pourrait être en possession de ces manuscrits ?

Lettre du 12 novembre 1973

J’ai une grande demande à vous adresser : auriez-vous l'amabilité de relire le texte ci-joint de la Déclaration des droits de l'homme en russe ? Je doute un peu de mes connaissances de la langue.

Lettre du 27 janvier 1974

Je vous conseille amicalement de ne pas m'inviter chez vous, cela ne vous apportera que des ennuis. Et ce serait le cas cette fois aussi. Comme vous le savez, j’ai depuis longtemps une vague idée, embrumée encore, de publier un livre sur la Chine contemporaine [...]. Comme je n'ai pas encore trouvé d'auteur susceptible d’y travailler, la seule solution reste sans doute celle que vous avez imprudemment mentionnée : faire une sorte d’anthologie à partir de livres sur la Chine qui existent en polonais et, si l'on trouve un éditeur russe [...], en russe aussi. Cela entraînera probablement la faillite de l'Institut, mais j'aimerais quand même le faire avant la fin de ma vie, déjà assez longue. Je vous prie sincèrement d’y réfléchir.

Lettre du 6 juillet 1975

Je vous envoie le projet d'une lettre à Soljenitsyne, en vous priant de la traduire mais aussi de donner votre opinion à ce sujet. Je ne sais pas comment écrire cette sorte de lettres, je crains toujours d’en faire trop ou pas assez.

Lettre du 2 avril 1982

Je profite de l'occasion pour vous adresser une grande requête : à savoir que les presses varsovienne et soviétique consacrent ce dernier temps beaucoup de place à KULTURA, et à mon humble personne, et me présentent comme un « dangereux agent de la CIA ». Je n'ai pas l'intention de débattre avec eux, mais je voudrais inclure dans KULTURA une note qui comportera simplement la liste de tous les communistes de premier plan de l'URSS et des démocraties populaires qui ont été liquidés, accusés d'être des agents de divers services de renseignement européens et japonais. La liste sera probablement assez impressionnante. Je voudrais vous demander d’établir une telle liste, vous êtes expert en la matière.

Lettre du 28 novembre 1983

Pourriez-vous, svp, parler avec Gorbanevska de la traduction de l’Autre monde ? Je pense qu'il serait vraiment important que ce livre soit publié en russe.

Ces extraits ne sont qu’un aperçu de l'énorme collection de courriers échangés entre Heller et Giedroyc, qui compte quelques 550 pièces. Il en ressort clairement que Heller remplissait plusieurs fonctions, d'agent littéraire, de conseiller en matière d'édition et de traduction, de celui qui déniche des titres difficiles à trouver et d'incontestable expert des sujets russes [88]. Ici, il est utile de rapporter la remarque de Rafal Stobiecki :

La collaboration entre le prince de Maisons-Laffitte et l'historien russe, qui a duré près de trente ans, a été exceptionnelle parce que consensuelle et harmonieuse ce qui, compte tenu du caractère du premier, n'était pas habituelle [89].

La correspondance de Heller et Giedroyc n’est complète, si l'on peut utiliser ce qualificatif, que pendant les premières années de leur connaissance. Dans leurs lettres ultérieures, on constate que les sujets s’entremêlent, sont interrompus ou inachevés. Cela démontre seulement qu'à partir de 1975, ils se sont entretenus souvent par téléphone [90]. Il existait toutefois des questions dont Giedroyc préférait, ou devait, communiquer par écrit. La correspondance entre Giedroyc et Heller, ainsi que le rôle de Heller dans l'Institut littéraire sont résumés avec justesse par Wojciech Stanisławski :

La correspondance Giedroyc-Heller ne constitue pas seulement des archives sur une collaboration éditoriale, mais aussi un aperçu pour ainsi dire de « l’Archipel anti-GULag » : une communauté d’auteurs dispersée à travers le monde, de chroniqueurs et d'activistes qui se concentraient sur la documentation des crimes et sur les tentatives de démantèlement pacifique du régime communiste [91].

Ainsi, en un laps de temps relativement court, l'émigré soviétique est devenu une figure importante mais controversée en Europe occidentale. Sa vie a toutefois radicalement changé au milieu des années 1980. C'est alors qu'il a été frappé par une tragédie pire encore que sa déportation dans un goulag kazakh. En 1986, sa femme tombe malade. Une forme grave de cancer l’emporte rapidement [92]. Mikhaïl perd alors non seulement une épouse, mais aussi son partenaire, son âme sœur et la personne qui s'est toujours occupée de lui et l'a aidé dans des moments difficiles. Grâce à elle, Heller a pu quitter l'URSS. C'est elle qui a trouvé l’opportunité de quitter Varsovie pour la France où elle l’a secondé dans ses efforts pour obtenir un poste à la Sorbonne. Au début, elle a également traduit en polonais ses articles destinés à la publication dans Kultura [93]. A Paris, elle a travaillé au département d'Etudes slaves en tant qu’assistante professeur, et elle a dirigé un ciné-club [94].

Les personnes qui connaissaient les Heller s'inquiétaient pour Mikhaïl, se demandant comment il ferait face à la vie après la mort de Jenia [95]. Elle lui apportait sa chaleur ; sans elle, il était absolument incapable d'organiser les activités les plus simples, par exemple, préparer un dîner. Il a cessé d'inviter des amis chez lui, n’arrivant pas à les accueillir.

Après la mort d'Eugenia, Józef Czapski, l’un des piliers de Kultura et ami proche de Heller, lui écrit une lettre émouvante, le 4 novembre 1986 [96] :

Mon très cher ! J'ai fait de mon mieux pour t’écrire à la main, mais aujourd'hui, quand ma secrétaire est arrivée, je n'ai absolument pas pu me déchiffrer moi-même, je voudrais quand même terminer ce que j'avais commencé. De ton imposante production écrite, tu as complètement effacé ton monde intime. Le moment est peut-être venu d'écrire un livre sur toi-même, c'est-à-dire sur vous deux. Parce que 45 ans durant, et malgré 5 ans de camps, vous étiez et vous êtes toujours ensemble. Ces bribes de vie dont tu m’as parlé, les années que tu avais passées près de la frontière chinoise et les visites (illégales) de Jenia, puis ces deux fois où vous vous êtes échappés de la Russie en Pologne, et de la Pologne à Paris, tout cela en dit plus long de vous que ce que nous savons par Kruczek. Hier encore, un ami me disait qu'il commence toujours la lecture de Kultura par Kruczek. Tu m’as pourtant dit que parfois tu as l’impression de n'écrire que pour toi-même. « Toutes proportions gardées », j'avais l'habitude d'écrire mes journaux intimes uniquement pour moi et, maintenant, en replongeant dans mes vieux cahiers que je ne peux même plus lire, des souvenirs que je croyais oubliés reviennent par vagues, et je vois même que mes textes les plus privés sont quelque chose aux yeux des personnes qui essaient de me relire. Le moment n'est-il pas venu (pour toi-même) d'écrire sur ta vie, ce qui serait un vrai trésor pour nous, tes amis, et pour toi une sorte de baguette magique qui te ramènerait ces milliers de souvenirs que l'homme perd avec l'âge. Depuis que nous nous sommes quittés, je pense à ce que je n’arrive pas à exprimer : à quel point ta présence à mes côtés avait été pour moi une grâce et comment elle m'a aidé à vivre. Ne te fâche pas que j'ose te conseiller, mais je ne peux m'empêcher de te les écrire maladroitement [...] Et je te supplie, prends soin de toi parce que les gens ont besoin de toi, à commencer par ta fillette [97] que tu dois un jour me présenter, et tant d’autres personnes qui t’aiment, comme moi [98].

Heller ne s'est jamais remis de la mort de sa femme. Son rapport à la vie a changé. Il était heureux tant que sa femme était en vie, disait-il [99]. Mais il n'a abandonné ni ses travaux d’universitaire ni ses écrits de journaliste. Lorsque le communisme a fait sa mue en Russie, il a eu de nouvelles opportunités. Avec la liberté d'expression et de la presse, des éditeurs russes ont voulu publier ses livres et articles. On l’invitait à donner des conférences, ses travaux ont été inclus par le Comité de la Fédération de Russie parmi les manuels universitaires [100]. Et, c'est peut-être le plus important, Heller a pu retourner dans sa « patrie » où il avait laissé des parents et de nombreux amis. Entre octobre 1992 [101] et 1996, il s'est rendu bien des fois dans la Fédération de Russie [102].

Heller est resté actif jusqu'à la fin de sa vie. Quelques semaines avant un colloque scientifique auquel il devait participer, il meurt brusquement. Mikhaïl Heller est mort le matin du vendredi 3 janvier 1997 [103]. Il avait souffert d’insuffisance cardiaque, subi deux opérations, en septembre 1978 [104] et en 1983 [105].

Dans l’article nécrologique publié dans Kultura, Jerzy Giedroyc écrit que Heller « est mort de façon si soudaine, inattendue qu'il est difficile d’y croire » [106]. Il évoque aussi ses relations avec Heller : « Michał était [...] l'un de mes rares amis » [107]. Trois ans plus tôt, lors du tournage d’un documentaire consacré à Heller, il parlait ainsi de cet ami :

[...] c'est un ami personnel, un de mes plus proches collaborateurs, j’en ai bien peu, un petit cercle de personnes, vraiment comme Czapski, comme Mieroszewski, [...] Grudzinski. Il fait partie de ces gens qui sont des collaborateurs très proches et précisément des co-créateurs de Kultura [108].

C'était la première fois que je rencontrais une personne qui connaissait aussi bien, au plus profond, les affaires russes qui me passionnent depuis toujours, et je lui ai immédiatement proposé de créer une rubrique régulière consacrée à ces sujets dans Kultura [109].

Dans son Autobiographie à quatre mains, Giedroyc écrit ceci :

Nos échanges sont très importants pour que je puisse comprendre l'Union soviétique, le pays qu’il connaissait d’expérience, et non par les journaux ou livres. [...] Je lui parle régulièrement de tout ce qui concerne la Russie. Nos contacts sont fréquents, très étroits [110].

Herling-Grudzinski, un autre ami polonais de Mikaïl Heller, a dit à son tour :

Michaïl Heller est également devenu l'un de mes proches amis parisiens. Lorsque Jenia, sa femme, qui cuisinait merveilleusement les plats russes, était encore en vie, nous allions souvent tous dîner chez eux, tous trois, avec Jerzy et Zosia Hertz [111].

Et aussi :

L’historien Mihaïl Heller est une personne très importante dans l'équipe de Kultura et dans ce groupe d'émigrés russes [...] C’est un homme d'une grande intelligence qui connaît parfaitement la Russie [...] Il parle peu et garde ses distances [...] Il se sentait lié à nous, à Kultura. Nous sommes très amis, et nous avons en même temps une grande admiration pour son érudition [...] Je vois et entends avec plaisir qu'il est de plus en plus apprécié en Russie [112].

Le mercredi 8 janvier, Mikhaïl Heller a été enterré au cimetière parisien de Montmartre, près de sa femme qu’il a tant aimée [113]. Il avait dit, avant de mourir, vouloir vivre dans un village paisible où il aurait pu écrire en paix [114]. Dans un documentaire réalisé par la Télévision polonaise, il a parlé de lui-même ainsi :

J'ai vécu, pour ainsi dire, trois vies dans une seule : trois parce que j'ai été et suis obligé de parler au moins trois langues. Chaque nouvelle langue était en fait le début d’une nouvelle vie ; mais je n'étais réellement heureux que jusqu'à la mort de ma femme [115].

En 2017, alors que nous sommes vingt ans après la mort de cet éminent historien et soviétologue, il est difficile de trouver ses traces dans la recherche polonaise. Si on le présente, c'est toujours dans le contexte de son travail pour l'Institut littéraire. On ne trouve généralement que peu de phrases où l’on note son existence. A ce jour, selon mes connaissances, seuls deux articles lui ont été consacrés. Le premier, de Rafał Stobiecki, concerne la correspondance entre Heller et Giedroyc. Le deuxième, de Wojciech Stanisławski, présente et analyse la silhouette de Heller dans le contexte de sa collaboration avec Kultura [116].

Le vingtième anniversaire de la mort de Heller est un moment propice pour commencer un débat scientifique sur sa vie et son œuvre, cet échange que Heller mérite sans doute de la part des Polonais.

 

[1] Zygmunt Hertz dans sa lettre à Czesław Miłosz du 16-18 décembre 1968. Z. Hertz, Listy do Czesława Miłosza 1952-1979, Paris 1992, p. 287.

[2] Extrait du discours de Władysława Gomułki, lors de sa rencontre avec les membres du parti communiste, du 19 mars 1968.

[3] Archives de Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (Archives BDIC), F delta res 928 (1)(1)(6), permission de séjour du canton de Genève du 18 avril 1984.

[4] Archives de Leonid Heller (Archives LH), CV de Michaïl Heller ; М. Геллер, Двор, [in :] Вместо мемуаров: Памяти М. Я. Геллера, составители Л. Геллер и И. Зеленко, Москва 2000, p. 5. En polonais : M. Heller, Podwórze, „Zeszyty Literackie”, 2001, 2, p. 160-164.

[5] М. Геллер, Двор, p. 5-6 ; Л. Зак, Штрихи к биографии-1, [ in :] Вместо, p. 21.

[6] М. Геллер, Двор, p. 5-10.

[7] Archives LH, CV M.H.

[8] Archives LH, CV.

[9] Л. Зак, Штрихи к биографии-1, p. 21.

[10] Archives de LH, CV de Michaïl Heller.

[11] Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, [in :] Вместо, p. 27.

[12] П. Бутягин, 514-я комната, [in :] Вместо, p. 33; Ю. Поляков, МИФЛИ и 56 лет после, [in :] Вместо, p. 51.

[13] Ю. Поляков, МИФЛИ и 56 лет после, p. 51.

[14] Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, p. 27; П. Бутягин, 514-я комната, p. 33.

[15] Interview d’Ilona Kisz et alii avec M.H. de décembre 1996, Budapest, [in :] Вместо, p. 147.

[16] Idem.

[17] Documentaire Michał Heller – prawda o komunizmie, mis en scène Paweł Woldan, II Program TVP S.A., 1994 ; Interview Ilona Kisz et alii avec Michaïl Heller, p. 147.

[18] Idem, p. 148.

[19] Л. Зак, Штрихи к биографии-1, p. 21-22.

[20] Idem, p. 21.

[21] Archives LH, CV d’Eugenia Heller.

[22] E. Sawicka, Dwadzieścia siedem lat na tratwie „Kultury”, „Rzeczpospolita”, 11.01. 1997.

[23] Archives LH, CV d’Eugenia Heller.

[24] Archives LH, doc. de mariage de Michaïl Heller et Eugenia Chigryn.

[25] Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, p. 28 ; ALH, CV d’Eugenia Chigryn.

[26] Л. Геллер, Человек, который почти все знал, или Набросок к книге Жизнь и мнения Михаила Геллера, джентльмена, [ in :] Вместо, p. 100. : Traduction polonaise : L. Heller, Człowiek, który wiedział prawie wszystko, Zeszyty Literackie, 2001, 2, p. 153-160.

[27] Idem.

[28] Entretien d’Ilona Kisz et alii, p. 152-153.

[29] Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, p. 29.

[30] Archives LH, CV de M.H.

[31] Archives LH, CV de M.H.

[32] Idem.

[33] Idem.

[34] Idem.

[35] Idem.

[36] Entretien d’Ilona Kisz et alii, p. 153.

[37] Relation de Leonid Heller du 3.05. 2017.

[38] I. Obuchowa, Вместо мемуаров: Памяти М. Я. Геллера, Москва: издательство „МИК”, 2000, „Slavia Orientalis”, 2002, 1, p. 136.

[39] Л. Геллер, Человек, p. 100.

[40] Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, p. 30.

[41] Л. Геллер, Человек, p. 101.

[42] Propos de Leonid Heller du 3. 05. 2017.

[43] Entretien d’Ilona Kisz et alii, p. 154.

[44] Idem.

[45] Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, p. 30.

[46] Idem, p. 31 ; Entretien d’Ilona Kisz et alii, p. 154 ; B. Toruńczyk, Rozmowy w Maisons-Laffitte, 1981, Warszawa 2006, p. 192 ; Archives LH, CV de M.H. et E.H.

[47] Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, p. 31.

[48] E. Sawicka, Michał Heller nie żyje, Rzeczpospolita, 4.01. 1997.

[49] Л. Геллер, Человек, s. 100; Archives LH, CV M.H.

[50] Л. Зак, Штрихи к биографии-1, p. 22.

[51] Archives LH, CV d’E.H.

[52] Idem.

[53] Л. Зак, Штрихи к биографии-1, p. 22 ; Archives LH, CV E.H.

[54] Ж. Бонамур, Стойкость, [in :] Вместо, p. 70.

[55] Entretien avec Michaił Heller, Historia czekania na cud, Rzeczpospolita, 29. 10. 1994.

[56] Propos de Wiktor Woroszylski, dans le film Michał Heller – prawda o komunizmie.

[57] E. Sawicka, Odszedł współpracownik paryskiej Kultury. Pożegnanie Michała Hellera, Przegląd Polski, 9.01. 1997; R. Stobiecki, Michaiła Hellera i Jerzego Giedroycia rozmowy o Rosji, [in :] Dostojewski i inni. Literatura/idee/polityka, red. T. Sucharski, Katowice 2016, p. 381.

[58] Film Michał Heller – prawda o komunizmie; E. Sawicka, Dwadzieścia siedem lat.

[59] Л. Зак, Штрихи к биографии-1, p. 22; Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, p. 32.

[60] Interview avec Michaił Heller, Historia.

[61] Entretien d’Ilona Kisz et alii, p. 156.

[62] Archives LH, CV de M.H.

[63] Archives BDIC, F delta res 928 (85)(3)(35), lettre de M.H. au commandent de M.O. du 7.10. 1968.

[64] Archives BDIC, F delta res 928 (85)(3)(36), lettre PAP à M.H. du 6.01. 1969.

[65] Propos de Leonid Heller...

[66] Archives LH, Lettre de Jean Bonamour à Michaïl Heller du 14.10. 1968.

[67] A. Besançon, Czytając Michała Hellera, Zeszyty Literackie, 1997, 3, p. 101.

[68] Idem, p. 102.

[69] Z. Hertz, Listy, p. 287.

[70] Idem, p. 292.

[71] Du rôle de Bonamour : A. Besançon, Czytając, p. 103 ; du rôle de Besançon : W. Stanisławski, Archipelag Hellera, [in :] „Kultura” i emigracja rosyjska. W poszukiwaniu zatraconej solidarności, t. II, réd. P. Mitzner, Paris-Cracovie 2016, p. 345.

[72] Archives LH, Doctorat de M.H. Diplôme. Thèse : Le monde concentrationnaire et la littérature soviétique.

[73] Archives LH, Diplôme d’habilitation de M. H. ; Ж. Бонамур, Стойкость, p. 71. Thèse : Андрей Платонов в поисках счастья.

[74] В. Лосская, Памяти друга, [in :] Вместо, p. 69.

[75] Propos de Leonid Heller…

[76] Idem, p. 68.

[77] Dans les archives de L. Heller. Dans Вместо мемуаров: Памяти М. Я. Геллера, составители Л. Геллер и И. Зеленко, Москва 2000; Leonid Heller – 1987, voir : Л. Геллер, Человек, p. 105.

[78] Archives LH, document de la nationalité française.

[79] Note dans Le Quotidien de Paris : 1276, samedi 31, dimanche 1er, janvier 1984.

[80] Archives BDIC, F delta res 928 (1)(1)(2), lettre de l’Ambassade de l’URSS à M.H. du 19. 01. 1984.

[81] Archives BDIC, F delta res 928 (1)(1)(3), lettre de l’Ambassade de l’URSS à M.H. du 04. 01. 1984.

[82] Archives BDIC, F delta res 928 (1)(1)(2), lettre de l’Ambassade de l’URSS à M.H. du 19. 01. 1984.

[83] Archives LH, Diplôme du prix de l’Académie des sciences morales et politiques.

[84] L’ensemble de la correspondance entre J. Giedroyc et M. Heller se trouve dans les Archives de Institut littéraire, sign. „ILK KOR RED Heller M.”.

[85] Heller a commis une erreur : Władysław Kruczek a été à la tête du CRZZ à partir de 1971.

[86] Entretien avec M. H., Historia.

[87] Vide : R. Stobiecki, Michaił Heller, p. 377-396.

[88] W. Stanisławski, Archipelag Hellera, p. 348-350.

[89] R. Stobiecki, Michaił Heller, p. 392.

[90] Idem, p. 383

[91] W. Stanisławski, Archipelag Hellera, p. 345.

[92] Э. Гессен, Штрихи к биографии-2, p. 26; М. Туровская, Миша + Женя = любовь, [w:] Вместо, p. 63; film Michał Heller – prawda o komunizmie.

[93] E. Sawicka, Dwadzieścia siedem lat ; J. Giedroyc, Autobiografia na cztery ręce, Warszawa 2006, p. 239.

[94] В. Лосская, Памяти друга, p. 68.

[95] М. Туровская, Миша + Женя = любовь, p. 63.

[96] Voir aussi de J. Czapski : List do przyjaciela Rosjanina, notamment dans : J. Czapski, Dzienniki, wspomnienia, relacje, Kraków 1986, p. 219-227.

[97] Il s’agit de la petite fille de Heller.

[98] Archives BDIC F delta res 928 (81)(1)(20-21), lettre de Józef Czapski à M.H. du 3-4 novembre 1986.

[99] Propos de M.H., film Michał Heller – prawda o komunizmie.

[100] J. Giedroyc, Michał Heller, Kultura, 1997, 3/594, p. 152.

[101] M. Heller, Notatki rosyjskie, Kultura, 1992, 12/543, p. 93.

[102] J. Giedroyc, Michał Heller, p. 152.

[103] В. Амурский, Эхо памяти, [in :] Вместо, p. 96.

[104] J. Czapski, Wyrwane strony, Warszawa 2010, p. 213

[105] Propos de Leonid Heller…

[106] J. Giedroyc, Michał Heller, p. 151.

[107] Idem.

[108] Propos de J. Giedroyc dans le film Michał Heller – prawda o komunizmie.

[109] Idem.

[110] J. Giedroyc, Autobiografia, p. 239.

[111] Interview avec Gustaw Herling-Grudziński du 6. 06. 1998 r., Budapest. R. Gorczyńska, Portrety paryskie, Kraków 1999, p. 209.

[112] „Opowieść autobiograficzna Gustawa Herlinga-Grudzińskiego (fragmenty)”, [ in :] Z. Kudelski, Gustaw Herling-Grudziński i „Kultura” paryska (1947-1996), Lublin 2013, p. 335.

[113] Pogrzeb historyka Michała Hellera, Rzeczpospolita, 9. 01. 1997.

[114] А. Кольдефи-Фокар, Непредвиденная перспектива, [ in :] Вместо, p. 95.

[115] Propos de M.H. dans le film Michał Heller – prawda o komunizmie.

[116] R. Stobiecki, Michaił Hellera, p. 377-396; W. Stanisławski, Archipelag Hellera, p. 341-352.

 

 

Cet article de Jędrzej Piekara (étudiant de l’Université catholique de Lublin) s’appuie sur son mémoire de licence soutenu en juin 2017. La documentation a été recueillie dans les archives de l'Institut littéraire de Maisons-Laffitte, dans la collection Mikhaïl Heller conservée à la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine et dans les archives privées de Leonid Heller, ainsi que lors d'une série d'entretiens.

Version polonaise parue dans : Rocznik Instytutu Europy Środkowo-Wschodniej 15 (2017) Zeszyt 1, p. 89-113.

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