IWAN ŁYSIAK-RUDNYCKI
Ivan Lysiak-Roudnytsky, Le nouveau Pereïaslav, Kultura, 1956, nr 6 et 7/8
Trois phases tactiques
La politique russo-bolchevique à l'égard de l'Ukraine se distingue par la constance de ses principales orientations, mais elle connaît souvent de brusques revirements tactiques. Notre article porte sur la période présente, la plus récente, qui a débuté avec la mort de Staline. Toutefois, pour brosser avec plus de détails ce tableau, il nous faut retourner en arrière, au début de la Seconde guerre mondiale.
Aussi étrange que cela puisse paraître, les années de la guerre se sont déroulées sous le signe d'un relatif « libéralisme ». L'annexion des terres de l'Ukraine occidentale à l'URSS s'est faite avec force slogans patriotiques ukrainiens (et non russes !) L’activisme de la propagande s’accompagnait de la « libération des frères de sang du joug de la noblesse polonaise et des boyards roumains », et entraînait, dans les anciens territoires soviétiques, une certaine rupture avec l'orientation anti-ukrainienne virulente de la politique du Kremlin au cours des années 1930. Bientôt allait éclater la guerre germano-soviétique, et la Russie rouge, engagé dans un duel mortel avec l'Allemagne hitlérienne, cherchait l'aide du peuple ukrainien, ou du moins sa neutralité. Moscou y est parvenu dans une certaine mesure en raison de la politique coloniale, barbare et sanglante, de l'Allemagne, face à laquelle même le bolchevisme semblait être le moindre mal. L'immense potentiel antibolchevique ukrainien qui, dans d'autres conditions, aurait pu faire pencher la balance de la guerre, ne s'est pas véritablement manifesté. En réprimant sans pitié, mais avec son habituel doigté, toute manifestation de séparatisme politique et toute résistance autonome à l’ennemi nazi, Moscou opère une série de concessions tactiques. La propagande soviétique use de tous les moyens pour faire appel aux sentiments et aux traditions nationales ukrainiennes. Une plus grande liberté est accordée à la culture ukrainienne. J’ai ici à l’esprit de nombreux écrivains et chercheurs qui, comme l'Académie des sciences de Kiev, avaient été évacués de force en Russie pour y développer une activité intense ; cette page de l'histoire ukrainienne de la dernière guerre n'a d’ailleurs pas encore été suffisamment explorée. La propagande soviétique a habilement suggéré que, une fois la guerre terminée, le régime allait changer, tout comme la vie qui deviendrait plus facile, et que le peuple ukrainien obtiendrait aussi plus de droits. Parmi les mesures politiques les plus importantes que les Soviétiques prennent à cette époque, citons : la réforme de la Constitution soviétique (avec la création, dans les républiques de l’Union, d’un ministère des affaires étrangères et de la défense) et le combat réussi de Staline, pendant la conférence de Yalta, de faire siéger à l’ONU la République socialiste soviétique d’Ukraine [RSS d’Ukraine], ce qui revenait à lui accorder, de nom du moins, le statut d'Etat souverain.
Il est facile de comprendre que ces concessions ont été dictées en premier lieu par la crainte que, dans une conjoncture imprévue, la guerre ne mette en lumière la cause de l’indépendance ukrainienne sur la scène internationale. Ces craintes étaient sans fondement. Le Troisième Reich mettait en place un projet de colonisation qui rejetait délibérément toute mesure qui pourrait l'obliger à l'égard de la population des territoires occupés de l'Est. Hitler a rompu avec la tradition politique allemande envers l’Est, laquelle, au cours de la Première guerre, au temps du gouvernement de Guillaume II avait soutenu, malgré ses hésitations et ses incohérences, les aspirations indépendantistes de la Pologne, la Lituanie, la Finlande, l'Ukraine, et même de la lointaine Géorgie. Quant aux alliés occidentaux, les questions nationales, y compris ukrainienne, n'existaient pas pour eux en Union soviétique, politiquement parlant. L'Occident démocratique identifiait l'Union soviétique à l’ancienne Russie d’avant la révolution et percevait les républiques soviétiques exclusivement comme les « minorités nationales russes ». L'idée d'interférer dans les affaires intérieures de « l’allié russe » n'a jamais été émise, bien que la situation critique dans laquelle se trouvaient les Soviétiques en 1941 en ait fourni une excellente occasion. Mais la compréhension de cet aspect manquait, tout comme la volonté de lancer une politique audacieuse, constructive, de grande envergure et démocratique qui faisait défaut.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, des trois grands puissances combattantes, Allemagne, démocraties occidentales, Soviétiques, ce sont ces derniers qui ont le mieux compris la question ukrainienne et sa possible dynamique. C’est par la passivité des autres puissances - aucune autre n'avait compris que le problème ukrainien pouvait être exploité - que l'ennemi juré de l'Ukraine a pu jouer à son avantage la carte ukrainienne. Il s’agit ici de la revendication par Moscou, au nom de l'Ukraine soviétique, des droits, moral et légal, sur une partie des anciens territoires de la Pologne, de la Roumanie et de la Tchécoslovaquie, de l'obtention d'un siège supplémentaire à l’ONU, du prestige moral d’avoir « libéré » l'Ukraine de l'occupation nazie.
La deuxième étape de la politique soviétique englobe les années entre la fin de la guerre et la mort de Staline. Durant cette période, on s’efforce de restaurer le régime stalinien des années 1930. Les vis de la machinerie d'Etat desserrées par les tumultes de la guerre se resserrent de nouveau. Une autre vague de purges s’abat sur l'Ukraine, en même temps que la traque « des éléments appartenant au nationalisme bourgeois » et une campagne intense de russification. Le fait que l’on condamne désormais le poème de Volodymyr Sosioura « Aimez l’Ukraine », maintes fois réimprimé dans la presse soviétique pendant la guerre, démontre, suivant la coutume bolchevique, la nouvelle ligne du Parti. Durant l'après-guerre, on réprime brutalement le maquis et le mouvement clandestin national.
La troisième période débute après la mort de Staline et se poursuit jusqu’à nos jours. Il est possible de le qualifier en bref de nouveau tournant vers un relatif « libéralisme » et vers une politique de concessions. Le présent article est consacré à l'analyse de cette période. Les faits seront présentés ici non pas dans l’ordre chronologique, mais selon la logique de la causalité. Les événements qui seront évoqués sont généralement connus. Mais il est question, là, de les interpréter correctement, d’identifier leur sens, leurs causes et leurs conséquences probables pour la suite de la politique ukrainienne du Kremlin.
Je laisse de côté la question de savoir si, et dans quelle mesure, ce tournant tactique est lié à la lutte au sommet du pouvoir communiste, et en particulier à l'affaire « Beria »[1]. Ajoutons toutefois à ce sujet quelques brèves remarques. Si, d’une part, on admet la réalité de l'accusation portée contre Beria qui aurait voulu, dans son combat pour le pouvoir, s'appuyer sur les tendances centrifuges des peuples non russes, nous sommes en droit de penser que des processus d'une importance capitale se mettaient en place et qu’ils eurent pu modifier radicalement la situation politique de l'empire soviétique. Cette évolution a été toutefois tuée dans l'œuf. D'autre part, si la « nouvelle orientation » face à l'Ukraine après la mort de Staline, avait bien été conçue à l'initiative de Beria, sa disparition a certes réduit la largeur de cette voie, mais ne l'a pas totalement supprimée. Bien que les concessions envers l’Ukraine soient modestes, l’existence même d’une « nouvelle option » ne fait aucun doute. Quand on observe de près la situation actuelle avec, en toile de fond, les souvenirs récents du régime stalinien, on constate des changements évidents.
Les manifestations de la nouvelle orientation
Par rapport à l'avant-guerre et l'immédiat après-guerre, la plus grande nouveauté est que les postes de direction sont occupés désormais en premier lieu par les locaux. La presse nous informe de la composition du gouvernement de la République, du Comité central du Parti, du Conseil suprême de la RSS d’Ukraine, elle nous apprend aussi le nom des secrétaires des comités locaux, des directeurs d’importantes entreprises d'État et des représentants du monde de la culture. Peu d'informations personnelles à leur sujet sont disponibles, mais, ne serait-ce que la consonance de leur nom permet de supposer qu'ils sont majoritairement Ukrainiens. A la veille de la guerre, dans les institutions centrales de l'Etat et du parti de la RSS d’Ukraine, les Russes représentaient 65 % des effectifs, les Ukrainiens 35 %. Aujourd'hui, la situation s’est inversée : les Ukrainiens sont 62 %, tandis que d'autres nationalités (principalement les Russes) représentent 38 %. Ainsi, 72 % des postes clés, dont les secrétaires de comités régionaux, sont occupés par des Ukrainiens. Selon les données qui datent de juin 1955, il y avait 7 Russes dans le gouvernement de 36 personnes (à titre indicatif, les Ukrainiens représentent 75 à 80 % de la population totale de la république d’Ukraine).
A titre de symbole, la nouvelle orientation s’est exprimée aussi par le limogeage du dernier satrape stalinien, Melnikov[2], accusé de s'être écarté « des principes de la politique nationale léniniste », et par la nomination d’un Ukrainien, Kyrytchenko, au poste du premier secrétaire du Comité central du parti communiste ukrainien[3]. Pour la première fois en trente-cinq ans d'existence de la RSS d’Ukraine, les plus importants postes sont donc confiés aux autochtones.
Au cours des deux dernières années, la structure étatique de la RSS d’Ukraine a été réorganisée par une décentralisation partielle. Un certain nombre de ministères, tels que l'industrie du charbon, la métallurgie lourde, les services postaux, l'enseignement supérieur et la culture, se transforment de « l’unioniste » en « république-unioniste ». Il ne fait aucun doute que, dans les domaines économique et culturel, les compétences de la bureaucratie ukrainienne se sont considérablement accrues.
Dans le même temps, le poids de l'élément ukrainien à l'échelle de l'ensemble de l’URSS s'accroît. Kyrytchenko est membre du Comité Central du PCUS depuis 1953. Le gouvernement central comprend au moins dix anciens ministres ukrainiens transférés à Moscou. Parmi les onze nouveaux maréchaux de l’Union soviétique, nommés en avril 1955, figurent cinq Ukrainiens[4]. La presse américaine a largement commenté la visite récente d'une délégation agricole soviétique qui avait parcouru l'Etat de l'Iowa ; ces « Russes », a-t-on dit, étaient presque tous ukrainiens, y compris le chef de la délégation, le ministre de l'agriculture Matskevitch[5].
Nous pouvons donc supposer que cette participation accrue d’Ukrainiens dans l'appareil d'Etat a permis d'affaiblir la terreur de masse. Malgré la campagne incessante contre le « nationalisme bourgeois », il n'y a pas eu, au cours de ces dernières années, d'actions anti-ukrainiennes massives aussi tragiques que celles des années 1930. Ainsi, plusieurs représentants de la culture, écrivains et universitaires, qui avaient récemment été accusés de « déviation nationaliste », ont échappé à la mort, ils devaient seulement procéder à une autocritique, et ils ont même conservé leur emploi. Dans les années 1930, les attaques de ce type dans la presse se terminaient généralement par une liquidation physique.
Remarquons aussi des concessions dans le domaine culturel, dont l'élargissement des droits de la langue ukrainienne dans l'enseignement, un phénomène similaire dans l’administration, l’activité plus intense dans l’édition et au sein de l'Académie des sciences, non seulement dans les sciences naturelles et techniques, mais aussi dans les humanités dont la sociologie. Bien que les manuels destinés à l'usage du grand public soient toujours truffés d'erreurs et de mensonges, des travaux de recherche plus sérieux se développent en parallèle. Après une longue interruption, notons l’influence des réimpressions de classiques ukrainiens, publiés en grands tirages, ainsi que le nombre croissant de traductions de la littérature mondiale. Il est évident que la liberté de recherche et de création est moindre que dans les années 1920, pendant la période de la NEP et de « l'ukrainisation », et n’oublions pas que cet apogée du libéralisme soviétique ne correspondait nullement à la notion occidentale de liberté de la culture. En effet, outre les contraintes habituelles du régime dictatorial, la culture ukrainienne souffre de plus de sa position de nation asservie, de sorte que le chercheur ou l'écrivain ukrainien ne dispose même pas des libertés de son collègue russe. Il faut tout de même noter que, par rapport à la destruction dont la culture ukrainienne a été victime dans les années 1930, la situation actuelle est meilleure, plus normale.
En 1954, à l’occasion du tricentenaire du Traité de Pereïaslav[6], ce dont il sera question plus loin, la concession la plus importante a eu lieu : voilà que le 19 février, la région de Crimée est annexée à la RSS d’Ukraine alors qu’elle faisait jusque-là partie de de la RSFS de Russie [République socialiste fédérative soviétique de Russie, l’une des quinze républiques de l’URSS, largement dominante du point de vue politique et économique].
Ce sont la géopolitique et l’économie qui relient, de manière organique, la Crimée à l'Ukraine. Comme le développement de la Crimée dépendait depuis les temps anciens de l’Ukraine, et que les Ukrainiens avec les Tatars ont depuis toujours formé le noyau autochtone de la population variée de la Crimée, l’Ukraine a des droits historiques et ethniques sur cette région. Le rattachement de la Crimée à l'Ukraine a été recherché, dans un passé récent, par diverses factions politiques, depuis le gouvernement conservateur de l’hetman Skoropadsky[7]en 1918 aux « communistes nationalistes » de Kharkiv dans les années 1920. Bien que les Ukrainiens n'y soient pas majoritaires, la Crimée est plus importante pour l'Ukraine que ne sont certaines terres ethniques et géographiques ukrainiennes. Il est parfaitement concevable d’imaginer l’existence d’une Ukraine indépendante sans ses régions occidentales. En revanche, compte tenu de la position stratégique majeure de Sébastopol au nord de la mer Noire, laisser la Crimée entre les mains étrangères serait comme appuyer un canon de revolver sur la tempe ukrainienne.
Quelle était la motivation de Moscou quand il décidait de remettre la Crimée à l'Ukraine soviétique ? Avoir autrefois intégré la Crimée à la République soviétique de Russie constituait une sorte d'anomalie dans la structure administrative de l'Union soviétique. Cette situation exaspérait les Ukrainiens qui la ressentait comme un encerclement de la part de la Russie. Pour détendre les relations russo-ukrainiennes, il a donc été décidé d'éliminer l'une des causes litigieuses. On peut affirmer que la société ukrainienne a accueilli ce fait avec satisfaction, voyant là se résoudre une revendication ancienne et tout à fait légitime. Quant à Moscou, il n'a rien perdu puisque l'ensemble de l'URSS reste sous son autorité. Si la question de la Crimée devait se poser un jour à l'échelle internationale, il semble certain que sa présente incorporation facilitera considérablement la résolution de ce problème au bénéfice de l’Ukraine.
Il se peut que Moscou ait nourri ici un autre objectif : essayer de faire partager avec les Ukrainiens la responsabilité du génocide des Tatars de Crimée. Evoquons donc ici, brièvement, l’histoire des relations entre l'Ukraine et les Tatars. La petite nation tatare (en 1939, elle comptait environ deux cent mille personnes, soit un cinquième de la population totale de la Crimée) était numériquement trop faible pour former son propre Etat. L'animosité des Tatars envers les Ukrainiens, pendant la révolution, a fait passer la Crimée tantôt dans les mains de l’Armée blanche, tantôt entre les mains des bolcheviks, la transformant en une base d'invasion russe en direction de l'Ukraine. La répétition de cet état ne serait acceptable pour l'Ukraine à l'avenir. De même, les projets de certains patriotes tatars, qui souhaitent un protectorat turc en Crimée, ne peuvent convenir à l'Ukraine. Du point de vue ukrainien, ces projets constituent une tentative de nuire aux relations turco-ukrainiennes qui ont toutes les chances pour un développement harmonieux. Cependant, les intérêts légitimes de l'Ukraine en Crimée ne sont en aucun cas incompatibles avec les droits vitaux du peuple tatar. La solution naturelle serait d’accorder l'autonomie à la Crimée en lien avec l'Ukraine, et c'est ainsi que la pensée politique ukrainienne l'a toujours conçue.
Les Ukrainiens, qui ont eux-mêmes tant souffert des bolcheviks russes, ne peuvent en aucun cas approuver le crime commis par Moscou sur le peuple tatar qui avait été déporté de force de leurs terres. Ce qui n’est pas contestable ce que ce génocide a été perpétré sans aucune participation, directe ou indirecte, des Ukrainiens. Mais le rattachement de la Crimée à la RSS d’Ukraine crée une responsabilité morale des Ukrainiens à l'égard des Tatars. Une future Ukraine devrait se préoccuper du retour des Tatars déportés, au même titre que du rapatriement des Ukrainiens déportés, elle devrait exiger de la Russie des compensations pour les Tatars qui ont subi les répressions.
C’est dans l’idéologie et la propagande que le changement de la politique soviétique à l'égard de l'Ukraine est le plus frappant. Le stalinisme proclamait que la Russie était le « frère aîné » de tous les peuples de l'Union soviétique, et surtout de l'Ukraine. Aujourd'hui, on atténue cet accent. On parle plutôt de coopération entre « deux nations égales et fraternelles ». La sacro-sainte formule de « la grande nation russe » se trouve soudain complétée à l’identique, par la « grande nation ukrainienne ». Cet ajout ne s'applique pas aux autres nations. Il y a donc déjà deux (et non pas une), et seulement deux, « grandes nations » dans l'Union soviétique ! Qui plus est, on se met à répéter, à insister sur le fait que l'Ukraine est un Etat souverain, que la RSS est « indépendante et unie », sans oublier d'ajouter qu'elle doit sa liberté nationale et son unification à l'alliance et à « l'assistance fraternelle » de la Russie.
Ces derniers temps, les preuves de la politique soviétique visant à souligner constamment la position internationale de l'Ukraine en tant qu'Etat n'ont pas manqué[8]. La presse soviétique ukrainienne décrit en détail les activités de la délégation de la RSS d’Ukraine à l’ONU. Il est intéressant de noter que les délégués ukrainiens se spécialisent dans les questions coloniales. Le Premier ministre de la RSS d’Ukraine, Kalchenko[9], a fait partie de la délégation soviétique qui s’est rendue à la Conférence sur la sécurité en Europe de l'Est de Varsovie, en décembre 1954, et cela afin de souligner que l'Ukraine, bien que partie intégrante de l'URSS, est également membre du bloc communiste. En septembre 1954, la RSS d’Ukraine a aussi conclu une convention de coopération culturelle avec la Pologne. Des groupes artistiques ukrainiens voyagent entre Berlin et Pékin. La portée pratique de tout cela est évidemment mineure. Il s'agit davantage de prestige et de concessions symboliques que d’avancées politiques réelles. Cependant, nous constatons une intention de plus en plus claire d'aller à la rencontre d'une conscience nationale ukrainienne en éveil.
Conscients de l'importance que le gouvernement soviétique accorde aux ornements idéologiques, nous ne doutons pas qu'il s'agit là d'un phénomène significatif qui mérite une analyse approfondie.
Pereïaslav dans l'histoire et la mythologie
Cette nouvelle orientation s'est exprimée dans la célébration avec pompe du tricentenaire du Traité de Pereïaslav. Les festivités ont duré sans interruption de l'hiver à l'été 1954, constituant sans aucun doute l'un des plus grands spectacles de propagande jamais orchestrés en Union soviétique. Académies, séances solennelles partout, depuis le Conseil suprême et l'Académie des sciences aux conseils de village, banquets, discours, médailles, des textes spéciaux promulgués par le Comité central du Parti, tout cela témoigne de l'importance de cette date pour le pouvoir soviétique. Si nous parvenons à cerner correctement le sens de l’hyperbole de « Pereïaslav », symbole de la nouvelle politique soviétique à l'égard de l'Ukraine, nous obtiendrons la clé pour comprendre la situation présente.
L'éminent chercheur Vyacheslav Lypinsky[10], spécialiste de l’histoire des Cosaques, affirme dans sa monographie L’Ukraine à un tournant qu’il est nécessaire de faire une distinction claire entre les faits historiques et les légendes lorsqu’on parle du Traité de Pereïaslav.
Important sans doute, Pereïaslav n'a été qu’un des épisodes dans le jeu diplomatique du grand hetman, et il ne différait pas d’autres traités cosaques, antérieurs et postérieurs, conclus avec la Pologne, la Turquie ou même la Suède. Il n’est pas dans mes intentions de l’analyser du point de vue historique ou juridique. En résumé, à partir de ce traité, il ne pouvait être question d'annexer simplement l'Ukraine parce que, après Pereïaslav, elle a commencé à exister en tant qu'Etat indépendant qui mène sa propre politique militaire et étrangère, parfois en totale contradiction avec celle de Moscou, notons que l’hetman Khmelnitsky étouffait dans l'œuf toute tentative d'ingérence de Moscou dans les affaires intérieures ukrainiennes. Ce n'est pas l'idéal de « l’unité » russo-ukrainienne, mais exclusivement la raison d'Etat ukrainienne qui a conduit Khmelnitsky et ses associés à accepter le protectorat de Moscou, celui-ci n'étant à leurs yeux qu'une alliance passagère. On peut débattre si cette démarche correspondait aux intérêts politiques bien compris du moment ou si elle représentait une erreur tragique.
Dans l'historiographie ukrainienne moderne prévaut l’idée que c'était avant tout la politique polonaise de l’époque qui a poussé l'Ukraine vers Moscou. La Pologne nobiliaire, incapable de maintenir l'Ukraine cosaque, s'est en même temps opposée à son émancipation et lui a imposé une guerre longue, ruineuse qui empêchait la consolidation du jeune Etat. De plus, alors que surgit le danger d'une alliance entre les Polonais et les Tatares en 1653, l'hetman s’efforce de chercher une solution radicale pour trouver une issue. Afin de se prémunir contre les ambitions hégémoniques de Moscou, Khmelnitsky resserre la coopération avec le bloc des Etats protestants (Suède, Prusse, Transylvanie) et tente de conclure un accord avec les Ottomans, en contournant la Crimée, son vassal.
Si, par la suite, « Pereïaslav » est devenu la base de départ pour la conquête de l'Ukraine, c'est parce que, après la mort de Khmelnitsky, ses projets n’ont pas été réalisés, le Traité de Pereïaslav en faisait partie comme une simple étape tactique. Comme le souligne à juste titre Vernadtski[11], si l'Ukraine cosaque avait conservé son unité territoriale dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et surtout si, conformément aux plans de Khmelnitsky, elle avait étendu sa juridiction à la Podolie, la Volhynie, la région de Halitch et de la Biélorussie méridionale, c'est-à-dire à peu près à l'ensemble des terres ruthènes de la République des deux nations (Pologne et Lituanie réunies), Moscou n'aurait pas eu la moindre chance d'avaler un tel pays et, peu importe les détails des relations cosaques-Moscou, la Russie auraient dû adopter le principe d’égalité.
Par conséquent, ce n’est pas sous Khmelnitsky, mais plus tard, déjà sur les ruines de l'Ukraine cosaque indépendante, aux XVIIIe et XIXe siècles, que la « légende de Pereïaslav » a vu le jour et connu une profonde évolution. Dans un premier temps, au XVIIIe siècle, alors que l’Hetmanat autonome existait encore, le statut de l'Ukraine dicté par le Traité de Pereïaslav correspondait à une sorte de protectorat ou d'union dynastique. Tout en établissant un lien étroit entre l'Ukraine et le trône russe, on maintenait l’idée de l’Ukraine-Petite Russie séparée de la Moscovie-Grande Russie. En revanche, selon la seconde version du Traité qui commence à dominer à partir du XIXe siècle, le « peuple petit-russe », sous la direction de Khmelnytsky, a rejoint l’Etat russe, tout bonnement et de son plein gré.
Bien que fausse du point de vue historique, la légende de Pereïaslav a joué un rôle essentiel dans la production idéologique russe de la période dite de Pétersbourg. Celle-ci légitimait l'appartenance de l'Ukraine à l'empire, contribuant à masquer la conquête et l'asservissement. Cette version légendaire était tout aussi importante pour une partie de la société ukrainienne, celle qui collaborait activement avec l'empire, pour les descendants russifiés et anoblis de l'ancienne aristocratie cosaque. Le mythe de l'adhésion « volontaire » de leurs ancêtres à « la « haute protection du tsar orthodoxe » leur a permis de ne pas se sentir dans la position de l'esclave de l'Empire, de s’enrôler dans la couche dirigeante panrusse et de servir le monarque avec loyauté et probité.
L'évolution de l'Ukraine soviétique
La conscience du rôle que la légende de Pereïaslav a joué dans la politique de la Russie tsariste nous aidera à déterminer la signification de sa reprise par les bolcheviks. Mais avant, évoquons l'évolution idéologique du régime soviétique, toujours dans la perspective des relations russo-ukrainiennes.
L'installation du pouvoir soviétique en Ukraine s'est faite par la force, mais sous la bannière de l'internationalisme prolétarien, et non du nationalisme russe. Le caractère transnational de la révolution mondiale était de fait une couverture de l'invasion russe. D’ailleurs, le système soviétique présentait tous les traits d'une occupation étrangère : réquisitions, répressions contre la culture ukrainienne et occupation des postes de l'Etat par la population immigrée ou minoritaire (Russes et Juifs russifiés).
Cependant, Lénine, avec l'intuition rare d'un véritable homme politique, a senti que les manifestations du chauvinisme et de l’impérialisme russes étaient dangereuses pour le système entier, puisqu’elles renforçaient les tendances centrifuges des peuples libérés en 1917. Dès le début, Lénine a défendu la thèse selon laquelle le sauvetage de l'unité de l'empire soviétique ne serait possible que sur un plan supranational et universaliste. Les difficultés et les revers, en particulier l'effondrement du pouvoir soviétique pendant la seconde occupation (1919), à la suite du soulèvements paysans massifs et du boycott de l'intelligentsia ukrainienne, n’ont fait que renforcer la position de Lénine et démontrer la nécessité des concessions pour émousser la dureté du conflit national. Lénine a suivi cette ligne avec constance, même contre les tendances opposées au sein de son propre parti. Il y a été aidé : bien que la révolution bolchevique soit née de traditions proprement russes, bien que, s’étant colorée de rouge, elle ait rapidement fusionné avec le vieux messianisme russe, ses slogans et ses objectifs se voulaient universels, à l'image - comme l'a si bien dit Jules Monnerot[12] - d'une religion militante, d’un « islam matérialiste » contemporain.
Lénine a tenté d’isoler le potentiel antibolchevique du peuple ukrainien. Par chance pour Moscou, sa tâche a été aussi facilitée par l'attitude de l'Occident. Les Etats de l'Entente ne comptaient pas avec l'Ukraine et ne faisaient qu’armer les gardes blancs de Denikine. Au sein d'une partie de la société ukrainienne, cette attitude de l’Occident encourageait la tendance à regarder la Russie soviétique comme le « moindre mal ». N’oublions pas non plus que, à cette époque, l'Ukraine connaissait non seulement un grand élan national, mais aussi (à l'exception de la région de Halytch) une crise sociale aiguë qui, sans adopter les formes d’un bolchevisme pur, laissait un terrain propice à la propagande qui sapait la consolidation d'un Etat démocratique indépendant.
Passons aux effets de la révolution. Ce qui était le plus important pour Moscou – à savoir l'unité du pouvoir politique sur les territoires de l'ancienne Russie tsariste, à l'exception de la Finlande, des provinces baltes et de la Pologne - a pu être préservé. Le fait de garder le contrôle sur l'Ukraine a permis à Moscou de conserver sa position de grande puissance et de s’assurer un avant-poste pour se lancer dans des agressions ultérieures contre ses voisins occidentaux. Pourtant, l'opinion selon laquelle la révolution s'est soldée par une défaite totale de l'Ukraine est erronée. La révolution a fait renaître la nation ukrainienne, et c'est précisément parce que les bolcheviks ont tenu compte de cette réalité, contrairement aux États occidentaux, qu'ils ont remporté la victoire au prix de quelques compromis. Parmi les acquis de la révolution, il convient de compter le fait que l'Ukraine a obtenu un Etat souverain, de nom du moins, appelé la RSS d’Ukraine ; le droit, au début large, de développer sa culture nationale ; la reconnaissance par le Moscou communiste du principe d’égalité des peuples de l'ancien empire, ce qui trouve son expression dans l'adoption du nouveau nom supranational de « l’Union des républiques soviétiques socialistes ». Dans ce contexte politique, bénéficiant de l’accalmie et de la prospérité apportées par la NEP, l'Ukraine a connu dans les années 1920 une période brève, mais bien fertile et intense, de renouveau culturel et d'expansion dans presque tous les domaines de sa vie en tant que nation.
Au cours de cette période, la coordination politique et idéologique entre la RSS d’Ukraine et la RSS de Russie est assurée par les principes révolutionnaires et prolétariens. Moscou renonce haut et fort à l'héritage du « chauvinisme impérial » de l'époque tsariste et manifeste sa foi en l'égalité de tous les peuples et la solidarité internationale du prolétariat. Quant aux communistes ukrainiens, ils s’efforcent de prouver que, tout en étant de bons Ukrainiens, ils ne sont pas moins marxistes et révolutionnaires. Il existe des preuves que, dans les cercles dirigeants de Kharkiv, on était alors prêts à soutenir les tendances internationales du régime dans l'espoir que, une fois la révolution répandue en Europe centrale, l'Ukraine soviétique se renforcerait par l'incorporation de terres occidentales et, qui plus est, la victoire potentielle du communisme en Allemagne mettrait fin à la dominance de la Russie sur le bloc des républiques soviétiques.
L'un des processus socio-psychologiques les plus caractéristiques de l'URSS, déjà en œuvre à l’époque de la NEP et largement développé sous Staline, était l’élimination progressive du pathos de la foi révolutionnaire, cette force élémentaire du bolchevisme à ses débuts. L'idée de la révolution mondiale des prolétaires qui, pendant la guerre civile, incitait des milliers de fanatiques à se jeter tête basse dans le feu, perdait peu à peu son pouvoir hypnotique, se transformant en un slogan usé. Quant à l'Ukraine, le « soviétisme » des années 1920 n'y était qu'une fine couche recouvrant le turbulent élément national, un mimétisme chez les uns, une autosuggestion chez les autres. En Russie, en revanche, le bolchevisme a subi une évolution, entièrement organique et cohérente, vers le « fascisme rouge ».
En Occident, on ne manquait pas d'observateurs qui, prenant leurs désirs pour des réalités, attendaient une démocratisation progressive du régime soviétique. Mais en réalité l’évolution allait dans le sens opposé, à savoir vers un totalitarisme soviétique complet qui se figeait dans un système clos de bureaucratie et de hiérarchie, conforme aux traditions de l'Etat russe, tant de l’époque de l’ancienne Moscou que de Pierre le Grand. En même temps, il n'était pas question de s'écarter du Coran marxiste-léniniste, et Staline lui-même aimait à se poser en défenseur de l'orthodoxie. L'empire russo-soviétique a ainsi trouvé, dans l'idéologie révolutionnaire, un outil inégalé pour mener sa politique étrangère, son expansion mondiale. L’internationalisme marxiste se transformait en l’idée de la domination mondiale de Moscou. Mais ce n'est pas tout. Chaque pouvoir cherche sa raison d'être dans un principe supérieur. Les intérêts de la bureaucratie du régime russe garantissaient la pérennité de l’idéologie, laquelle sanctifiait à son tour l'état de choses, justifiant toute atrocités, comme un sacrifice nécessaire à la réalisation d'une grande idée.
De derrière le masque desséché de l'idéologie révolutionnaire, internationale et prolétarienne, ont surgi au fil des ans le chauvinisme et le messianisme impérialistes de la Russie. La dernière guerre a clairement démontré l'impuissance de la vieille idéologie révolutionnaire et, en même temps, la force du nationalisme russe. Quand le temps de la véritable épreuve à la vie à la mort était arrivé, les dirigeants soviétiques ont parfaitement su à quels slogans et idées il fallait faire appel. La guerre, et plus encore sa fin victorieuse, ont donné lieu à de véritables bacchanales du nationalisme russe. Par le passé, surtout durant la période léniniste, le régime communiste, tout en s’appuyant sur les vieilles traditions étatiques et les anciens désirs messianiques, a tenté de masquer les manifestations du chauvinisme russe. Mais pour les besoins de la guerre, les autorités ont encouragé et donné leur bénédiction à tout symptôme, même le plus extrême, de la mégalomanie moscovite.
Ce revirement a toutefois provoqué des conséquences indésirables : le dégoût des peuples non russes. Ce qui, selon l’idée de Lénine, devait unir tous les peuples de l'URSS – à savoir le principe révolutionnaire international - a été jeté par-dessus bord. Le nouveau dogme sur le rôle dominant de « la grande nation russe » a eu l’effet de boomerang, braisant l’idée de l'égalité nationale et les dernières illusions.
Lénine a eu certainement raison sur un point : un nationalisme provoque l’émergence d'un autre. L’appel au nationalisme russe a stimulé le nationalisme centrifuge au sein des populations non russes. Le régime est ainsi confronté à un problème grave, voire menaçant. Des peuples plus faibles de l'Union soviétique peuvent être tenus par la force. Mais que faire de l'Ukraine qui, après les Russes, est la deuxième nation de l'URSS ? Maintenir en permanence les Ukrainiens dans un état de mécontentement serait dangereux à long terme.
L'échec de la politique de Staline
La politique ukrainienne de Staline se résume à un effort puissant de briser l'opposition de ce peuple par la violence physique. Il ne s'agissait pas d'exterminer les Ukrainiens, comme cela avait été le cas pour les Tatars de Crimée, les Allemands de la Volga et les Kalmouks ; le peuple ukrainien était trop nombreux pour ce faire. Aussi Staline cherchait-il à anéantir tous les groupes sociaux actifs pour forcer la nation à capituler et pour en faire une matière obéissante dans les mains des dirigeants moscovites. Il serait toutefois faux de considérer l'Ukraine comme une simple victime passive du sadisme de Staline. La grande campagne anti-ukrainienne lancée par Staline avait un sens politique. C’est la croissance rapide de l'Ukraine dans les années 1920 qui posait problème parce que ce développement remettait en question le contrôle de Moscou. La base de la politique nationaliste léniniste ne suffisait plus, il fallait trouver de nouvelles voies, plus dures. L'opposition de la paysannerie ukrainienne contre la collectivisation menaçait d'anéantir les immenses plans économiques de Staline. De là venaient sa colère, toute personnelle, son acharnement et sa soif de vengeance qui allaient de pair avec la posture de l'administration russe exaspérée par « l'arrogance » ukrainienne. Staline et les bureaucrates moscovites ont par conséquent décidé de procéder à « l’éducation des esprits bornés ». La politique de Staline a fait subir à l'Ukraine des pertes effroyables. Des millions d'êtres humains ont été supprimés, parmi eux l'élite nationale issue de deux générations : l'ancienne, nationale-démocrate, qui a joué un rôle de premier plan dans la révolution ukrainienne de 1917-1920, et la jeune, qui avait grandi déjà dans les conditions soviétiques. Le régime stalinien qui a duré un quart de siècle restera l'une des pages les plus noires de l'histoire ukrainienne, au même titre que l'invasion mongole du XIIIe siècle.
Mais Staline n’a pas emporté de victoire dans sa lutte contre l’Ukraine. Son « rouleau compresseur » de terreur n'a pas rasé le pays, n'a pas non plus mis fin à la question ukrainienne, source des difficultés politiques majeures pour le pouvoir soviétique. Les concessions actuelles en sont la preuve. Si les bolcheviques avaient brisé l’Ukraine, ils n'auraient eu aucune raison de concéder quoi que ce soit. Le recul présent vers des positions plus « libérales » est à considérer comme un aveu de l'échec de la politique stalinienne.
La force potentielle de l’Ukraine avait déjà surpris lors de la dernière guerre. Dans une conjoncture internationale défavorable, sans aucune aide extérieure, l’opposition ukrainienne a donné du fil à retordre aux deux puissances majeures de l’Europe de l’époque. L'attitude du peuple ukrainien a d’abord contribué à l'éclatante domination de l’armée allemande sur les Soviétiques, puis à l'effondrement du front allemand de l’Est, entre 1943 et 1945. Le fait que, pendant plusieurs années après la fin de la guerre, un mouvement partisan organisé a perduré en Ukraine et que les autorités toutes-puissantes en apparence n'ont pu y faire face, est un phénomène de l’absolue nouveauté dans l'histoire du système soviétique.
Bien que les terres ukrainiennes aient subi de lourdes pertes pendant la guerre, la terreur nazie et communiste, la position de l'Ukraine face à la Russie s'est sans aucun doute sérieusement renforcée par rapport à la situation d'avant 1939. Ces forces de l’Ukraine de l’Ouest qui, avant la guerre, suite à la division de son territoire entre quatre Etats, dont polonais, roumain et tchèque, étaient engagées dans les affaires locales, se sont retrouvées réunies à l'Ukraine de l’Est, dans une relation commune face à la Russie. La consolidation territoriale a accéléré la formation d'une nation ukrainienne unie et moderne.
Si, d'une part, on assiste au processus de nivellement de différences dans les régions occidentales (en premier lieu la région de Halytch, mais aussi en Volhynie, Transcarpatie, en Bucovine et dans la partie ukrainienne de la Bessarabie), d'autre part, l'ancienne Ukraine soviétique diffère également de ce qu'elle avait été avant 1939. L’Ukraine orientale est influencée par le puissant dynamisme politique des Ukrainiens occidentaux qui avaient été élevés dans les traditions d'Europe centrale (dont dans l'Église catholique et le constitutionnalisme autrichien). La conscience nationale ukrainienne s'est radicalisée, les différences psychologiques avec les Russes se sont approfondies. Aujourd'hui, plus que jamais, l'Ukraine et la Russie cohabitent, non seulement comme deux branches ethniques faisant partie des Slaves de l’Est, mais aussi comme deux forces politiquement divergentes.
L'extension de l'hégémonie russe aux pays d'Europe centrale et orientale a également contribué à cette relative amélioration. A mesure que croît le nombre de prisonniers de la même cellule, et donc le nombre d'alliés potentiels, l'Ukraine gagne plutôt qu'elle n'y perd. Etant dans l’obligation de garder un œil sur ses nouvelles conquêtes, Moscou est moins capable de sévir en Ukraine. De nombreux cercles dans les pays des « démocraties populaires » regardent avec un vif intérêt la situation ukrainienne qui, pour eux, constitue « une vitrine d’exposition » de la politique soviétique envers les nations. La terreur et la russification de l'Ukraine pourraient provoquer la panique chez les nouveaux vassaux, ce que Moscou tient à éviter. Par rapport à la période d'avant-guerre, la situation de l'Ukraine s'est quelque peu améliorée alors que celle de l'Europe centrale s'est fort détériorée, ce qui a entraîné un nivellement de différences. Les relations russo-ukrainiennes ont donc évolué en faveur de l'Ukraine.
Quand, après la mort de Staline, le moment est venu de procéder à une révision générale (des méthodes, pas des objectifs !) de la politique soviétique, les dirigeants du Kremlin ont entrepris d'adapter une nouvelle stratégie à la réalité des faits. Et les Ukrainiens sont en droit d’estimer que les concessions ne sont pas des faveurs, mais des gains que la nation a obtenus « avec ses propres forces ».
L'essence du « nouveau Pereïaslav »
A présent, à partir de ce qui vient d’être dit, il est possible de définir l'essence de la politique soviétique actuelle à l'égard de l'Ukraine, celle qui a pris le « Pereïaslav » comme symbole.
Il s'agit là d'un effort à grande échelle de réconcilier les Ukrainiens avec le système impérial russo-soviétique. La propagande de Pereïaslav, tout en s'adressant à l'ensemble de la population, vise surtout l'intelligentsia et la bureaucratie ukrainiennes, sans lesquelles il est difficile de gouverner la république ukrainienne certes, mais aussi l'empire entier.
A première vue, on peut croire au retour du concept de Lénine qui proposait un certain compromis entre le centre et les confins. Ce n'est pas par hasard que la presse soviétique a récemment recommencé à parler « d’immortels principes léninistes » dans la politique nationale. Ce ne sont toutefois que des phrases vides de sens. La ressemblance est superficielle. La base prolétarienne de la révolution internationale de classes, qui servait d’appui à Lénine, a disparu sans laisser de trace. A présent, Moscou tente de faire appel non pas aux intérêts du prolétariat ukrainien, mais au patriotisme ukrainien et aux traditions nationales. A sa manière, l’idéologie de Pereïaslav porte un caractère nationaliste. C’est seulement un nationalisme orienté différemment puisqu’il tourne sa lance contre l'Occident, la lame anti-moscovite s’étant complètement émoussée. Le Taras Boulba de Gogol devient le symbole du patriotisme ukrainien ainsi conçu : l'ataman cosaque se bat avec héroïsme contre les Turcs et les Polonais et meurt avec des mots sur le « tsar blanc » aux lèvres. La création même de cette figure littéraire montre que cette version du patriotisme est, elle aussi, ancrée dans l'histoire de l'Ukraine. Bien entendu, non pas au XVIIe siècle qui sert de toile de fond au roman de Gogol, mais au XIXe siècle où a vécu ce représentant de la noblesse ukrainienne laquelle, tout en conservant l’amour pour sa terre natale, son patriotisme local et son attachement aux traditions de l’Hetmanat, s'est ralliée à l’empire et à son idéologie, et s'est mise au service des tsars russes.
La nouvelle politique soviétique est certainement plus proche des traditions tsaristes que léninistes. Le raisonnement des chefs communistes doit se dérouler ainsi : si les tsars avaient réussi à s’allier la noblesse ukrainienne, pourquoi ne pourrait-on pas attirer dans notre giron l'intelligentsia ukrainienne à l’aide du même outil idéologique, celui de Pereïaslav ? Voici un phénomène bien particulier : quand les bolcheviks s’adressent de nos jours à la société ukrainienne, ils emploient des slogans nationaux, et non socio-révolutionnaires.
Il existe toutefois une différence de taille entre les versions tsariste et soviétique du même concept de Pereïaslav. Le gouvernement tsariste s’entêtait à parler de « l'unité de la nation russe », ne voyant dans les Grands Russes et les Petits Russes qu'une autre souche de la même nation. Aujourd'hui, une telle position n'est plus concevable. Les Ukrainiens sont devenus une nation, il est donc impossible de revenir en arrière. Au lieu de « l'unité de la nation russe », Moscou parle désormais de « l'amitié entre deux peuples frères », soulignant tout ce qui, dans l'histoire de l'Ukraine, la rapproche de Moscou-Russie, et taisant ou effaçant ce qui l'en éloigne. L'Ukraine est reconnue comme une nation, et oui, comme un État même, en théorie, et ceci à la condition pérenne qu'elle reste dans une union, indissoluble, avec la Russie. Si l’on suit des analogies dans l’histoire, l'état actuel des relations entre l'Ukraine et la Russie ressemble davantage au XVIIIe qu'au XIXe siècle. Au XVIIIe siècle, il existait un Etat cosaque autonome, l'Hetmanat petit-russe, une unité administrative distincte ayant sa propre personnalité juridique ; mais l’Hetmanat n'a pas mené de politique étrangère après l’échec de Mazepa, et même dans les affaires intérieures, les résidents tsaristes avaient le dernier mot. Dans le même temps, les Ukrainiens étaient de plus en nombreux à émigrer pour servir à Saint-Pétersbourg.
Aujourd'hui, Moscou veut de nouveau faire de l'Ukraine son frère cadet au sein de l'organisation impériale. Les récentes concessions sont, dans une certaine mesure, destinées à satisfaire les aspirations et les ambitions ukrainiennes. Devant les communistes ukrainiens s’ouvre ainsi la séduisante perspective de jouir, aux côtés des Russes, de « vastes espaces » pour faire carrière et procéder à l'exploitation économique. Mais il y a une condition à cela : s’unir de manière absolue à la même direction politique, sous l’ordre de Moscou.
Réactions ukrainiennes
Comment le peuple ukrainien a-t-il réagi face à cette nouvelle orientation soviétique ? C'est peut-être cette réponse qui est la plus difficile à formuler. Nous jugeons les intentions des responsables politiques soviétiques à partir des faits, parfois indépendamment des commentaires officiels qui sont souvent de la pure propagande. En revanche, l'opinion publique soviétique n'est en mesure de s'exprimer, comme c'est le cas dans les pays libres, ni dans la presse ni dans les organisations sociales, ni dans les élections libres. La population soviétique est muette, ce qui permet aux observateurs étrangers de tirer des conclusions totalement fausses. Des publications consacrées à l'étude de l'opinion publique soviétique sont sorties, notamment en Amérique. Leur titre même est un malentendu parce qu’elles traitent de fait de l'organisation et des méthodes de la propagande soviétique. La question de savoir comment la population réagit à la propagande officielle - et là, on parlerait de « l’opinion publique » - n'est pas du tout abordée.
Il n'est donc pas facile de faire le tableau des aspirations de la population qui vit sous le régime communiste. Se basant sur la connaissance de l'histoire, de la mentalité ukrainienne et de la réalité actuelle de l'URSS, risquons d’émettre quelques hypothèses à propos de la réaction à l’idéologie du « nouveau Pereïaslav ».
La vie sous le régime soviétique est tellement dure que les gens se réjouissent de chaque répit. La nouvelle ligne apporte un affaiblissement de la terreur et un certain mieux dans les conditions de vie, de sorte que les Ukrainiens l'ont sans doute accueillie favorablement.
Et qu’en est-il des aspects politiques ? Le « concept de Pereïaslav » a-t-il séduit les Ukrainiens ? Forte de trente-cinq ans d’expériences douloureuses, la population ukrainienne ne croit plus à aucune propagande. En 1917, elle y était très sensible, on pouvait la mettre en selle et pousser en avant avec n'importe quel slogan suggestif. Mais exposée, des années durant, au feu de la propagande soviétique, la nation est désormais totalement immunisée contre celle-ci, contre toute propagande d’ailleurs, verbale avant tout. Les gens accordent moins d'attention aux promesses et à la parole qu'aux faits. Un réalisme froid et clos a pris place de l'ancien romantisme : la population ukrainienne, sceptique, interprète les slogans officiels dans le sens inverse.
En mettant côte à côte les belles phrases sur un « Etat socialiste ukrainien indépendant » et la réalité, les Ukrainiens constatent un complet décalage entre les paroles et les actes. Les récentes concessions faites à l'Ukraine se résument au maintien du monopole de Moscou. Elles ne sont que prestigieuses et, après tant d’amères expériences, les Ukrainiens ne tomberont plus dans ce piège.
Les nations partenaires qui vivent d’égale à égale, ne craignent pas les souvenirs des conflits passés. L’évocation de Jeanne d'Arc ne gâche pas les relations franco-anglaises, pas plus que le souvenir de la guerre de libération ne met à mal l'amitié anglo-américaine. Tout au long de l'histoire, les relations russo-ukrainiennes n'ont pas manqué de collaboration dans le domaine de la culture et de la politique. Il y a eu toutefois plus de heurts et de conflits. Les efforts de Moscou d’effacer l'histoire ou de souiller ce qui est lié à ces conflits sont des conséquences de la peur et de la mauvaise conscience. Ce qui provoque sur les Ukrainiens le contraire de ce qui a été prévu. Les recoins du palais de « l'amitié russo-ukrainienne » hantent les spectres de Dorochenko, Mazepa, Petlioura, Khrouchevsky, Khvylovy, de tant d'autres. On garde le silence à leur sujet, ou encore on les rappelle au rythme d’évocations rituelles. Et c’est pour cette raison que leurs silhouettes sont devant tous les yeux.
La question ne tourne pas uniquement autour des idées. Il existe aujourd’hui peu de familles en Ukraine qui, par le passé, n'ont pas perdu au moins un de leurs proches, qui n'ont pas souffert d'une manière ou d'une autre pour cause de « nationalisme bourgeois » ou de « déviation nationaliste ». L’empreinte antisoviétique et antirusse dans la conscience de millions de personnes en Ukraine est reliée aux souvenirs de leur propre vie. On peut cacher ces choses au plus profond de son cœur, mais on ne peut les oublier. Dans la conscience collective, elles forment un puissant courant qui, même repoussé dans les profondeurs, surgira à chaque fois que l'occasion se présentera. Le peuple ukrainien n'oubliera jamais la famine artificielle provoquée par Moscou en 1933[13]. Les événements de ces années ont suscité chez les Ukrainiens une hostilité à l'égard du système soviétique, de l'Etat et du peuple russe en général qui n’existait pas en 1917. Les relations russo-ukrainiennes du milieu du XXe siècle ressemblent, du point de vue psychologique, aux relations polono-ukrainienne à la veille des guerres de Khmelnytsky.
Pour les Ukrainiens, le mot « Pereïaslav » n’a que peu d’associations positives. Pour ne rien arranger, le plus grand poète ukrainien, Chevtchenko, que toute l'Ukraine respecte comme un prophète et dont le Kobzar [le Bard] se trouve, littéralement, dans chaque maison, parle souvent de Pereïaslav qu’il juge sévèrement, comme la source de l'esclavage et des malheurs de la nation ukrainienne. Sans nul doute, au retour d'une célébration officielle de « trois cents ans » de Pereïeslav, plus d’un Ukrainien sortait son exemplaire du Kobzar et montrait à son fils, en silence, les pages qui en parlent. On n’a pas besoin d’être prophète pour deviner lequel, de Khrouchtchev[14] ou de Chevtchenko, restera le maître de la pensée ukrainienne.
L'aspect positif de « l’orientation Pereïaslav » est de donner aux patriotes ukrainiens plus de possibilités dans leur travail. Et nous pouvons supposer que ceux-ci essaient d’en tirer le meilleur pour panser les blessures des vingt dernières années, pour renforcer les positions ukrainiennes face à Moscou. Il est possible de faire aujourd’hui une analogie intéressante entre la situation actuelle et le XVIIIe siècle, avec le moment où les politiciens cosaques de l'époque d’après Mazepa ont interprété le Traité de Pereïaslav comme un semblant d’acte constitutionnel qui normalisait la relation de l’Hetmanat avec le tsarat russe et ils s’en sont servis pour défendre leurs « droits et libertés ». Une lutte tout aussi acharnée, silencieuse a lieu de nos jours. Il est difficile d’en prédire la suite.
Au XVIIIe siècle, le centralisme a emporté cette bataille et l'autonomie des terres cosaques a été abolie. D’un côté, les moyens de pression, de terreur spirituels et physiques dont dispose la dictature totalitaire bolchevique sont plus larges que ceux de l'absolutisme tsariste. D'un autre côté, les capacités ukrainiennes sont aujourd'hui plus importantes à bien des égards qu'au XVIIIe siècle. L'Ukraine est désormais unie sur l'ensemble de son espace ethnographique alors que l’Hetmanat était limité aux deux régions de Poltava et de Tchernihiv.
Un nouvel isolement social et moral de la couche dirigeante ukrainienne, comme ce fut le cas pour l'aristocratie cosaque au XVIIIe siècle, semble aujourd’hui impossible. Enfin, la situation internationale délicate et les difficultés économiques ne permettent pas à Moscou d'exacerber davantage ses relations avec l'Ukraine. Il est donc peu probable que Moscou se lance dans la répétition de la terreur stalinienne.
Dans le même temps, nous avons des raisons de croire que, après la malheureuse expérience hitlérienne, le peuple ukrainien garde une attitude méfiante à l'égard de l'Occident. C'est là le seul et le plus grave danger de « l’orientation Pereïaslav ». Malgré ses incohérences et contradictions, le « Pereïaslav » témoigne sans l'ombre d'un doute que le Moscou rouge, comme à l'époque de Lénine, tente de résoudre la question ukrainienne non plus seulement par la terreur, mais aussi par la politique. Cela n’aurait représenté aucun danger si la partie adverse - les puissances occidentales démocratiques - avait un projet constructif à ce sujet. Mais quand un concept n’entre pas en conflit avec un autre, il tombe dans le vide, aussi le camp qui a émis le sien doit-il l'emporter... La propagande bolchevique tire déjà profit de la négligence du monde occidental en suggérant aux Ukrainiens que l'Occident, comme l'Entente en 1919 et comme Hitler en 1941, est indifférent, voire hostile, aux intérêts vitaux du peuple ukrainien. Les patriotes ukrainiens agiraient de manière absurde s'ils voulaient « tirer les marrons du feu » pour le compte des impérialistes occidentaux égoïstes qui ne voient dans l'Ukraine qu'un objet d'exploitation coloniale future, qui sont prêts à décider du sort des terres ukrainiennes sans tenir compte de la volonté de son peuple. Tenir avec le « grand frère » russe, avec lequel l'Ukraine pourra encore tirer le meilleur parti, semble être la seule solution.
Ces arguments peuvent-ils convaincre les Ukrainiens soviétiques ? Ce n’est peut-être pas le cas, mais ils ont au moins le mérite de faire réfléchir. Les Ukrainiens sont à coup sûr troublés par le fait qu’au moment où les bolcheviks jouent et gagnent sans cesse la carte de l'anticolonialisme, l'Occident, pour des raisons inconnues, n'ose pas répondre par une attaque analogue contre le colonialisme russo-soviétique. Les Ukrainiens qui réfléchissent à la politique ne se font aucune illusion sur « la libération » du pays avant que les conditions ne soient au préalable réunies par l'évolution de la scène internationale et de la situation soviétique interne, mais ils attendent des puissances occidentales la déclaration - ce qui est déjà possible de faire - qu'elles sont en principe favorables à la cause ukrainienne et qu'elles ont l'intention d’en tenir compte dans la planification de leur politique en Europe de l'Est. Objectivement, l’idéologie de Pereïaslav, tout comme le terreau pour son développement prospéreront aussi longtemps que l'Occident continue de considérer l'Ukraine non pas comme une « nation conquise », dont la situation est de fait analogue à celle des « satellites » de l’URSS en Europe centrale, mais comme une « minorité nationale de Russie », alors même que le Moscou communiste lui accorde, de nom, l’égalité face aux Russes.
[Sauf indication, les notes proviennent de l’anthologie : Zamiłowanie do spraw beznadziejnych. Ukraina w „Kulturze” 1947-2000 [La passion pour les causes désespérées. L’Ukraine dans Kultura] sous la rédaction de Bogumiła Berdychowska, éd. Institut Littéraire et Institut du Livre (Pologne), 2016].
[1] Lavrenti Beria (1899-1953) : bras droit de Staline, comme ce dernier d'origine géorgienne, chef du NKVD. La mort de Staline le sauve de peu de l’exécution. Quelques mois plus tard, il est arrêté lors d’une réunion au Kremlin à l’ordre des nouveaux membres du Politburo, dont Nikita Khrouchtchev, puis exécuté.
[2] Leonid Melnikov (1906-1981) : militant politique soviétique ; entre 1949 et 1953, premier secrétaire du parti communiste d'Ukraine ; entre 1953 et 1955, ambassadeur de l'URSS en Roumanie ; député au Soviet Suprême.
[3] Oleksy Kyrytchenko (1908-1975) : militant du parti et de l'Etat soviétiques ; entre 1953 et 1957, premier secrétaire du comité central du parti communiste ukrainien.
[4] Ce n'est toutefois pas une coïncidence si aucun des maréchaux soviétiques d'origine ukrainienne ne commande aux forces armées sur le sol ukrainien. Les quatre districts militaires qui composent l'URSS sont dirigés par des Russes. Il fallait probablement contrebalancer les concessions faites aux communistes ukrainiens dans les domaines administratifs et économiques.
[5] Vladimir Matskevitch (1909-1998) : économiste communiste ; entre 1955 et 1960, puis entre 1965 et 1973, ministre de l'agriculture de l'URSS ; 1973-1980, ambassadeur de l'URSS en Tchécoslovaquie.
[6] Le Traité de Pereïaslav est conclu le 18 janvier 1654, entre Bohdan Khmelnytsky et Vassily Boutourline lequel agit au nom du tsar Alexis Ier. En vertu de ces accords l'Ukraine a été soumise à l'autorité du tsar de Russie. Le document original du Traité ayant été perdu, une partie au moins de son contenu reste contestée.
[7] Pavlo Skoropadsky (1873-1945) ; homme politique et militaire ukrainien. En 1918, avec le soutien de l'armée allemande, il s'empare du pouvoir dans la République populaire d'Ukraine et s’en proclame l’hetman. Il reste au pouvoir jusqu'au 14 décembre 1918 ; dans l'entre-deux-guerres, en exil en Allemagne.
[8] On se souviendra que la RSS d’Ukraine a participé à l'Accord de Paris de 1947 et signé la Convention du Danube en 1948 ; par l'annexion de la Bessarabie méridionale, l'Ukraine est devenue un Etat danubien.
[9] Nykyfor Kaltchenko (1906 – 1989), militant soviétique, premier ministre de la RSS d’Ukraine entre 1954 et 1961.
[10] Viatcheslav Lypynsky (1882-1931) : homme politique ukrainien d'origine polonaise, historien, sociologue, publiciste, théoricien et principal représentant du conservatisme ukrainien. Sa monographie date de 1920 et porte sur les dernières années de Bohdan Khmelnitsky.
[11] Volodymyr Vernadtsky (1863-1945) : minéralogiste et géochimiste russe, ukrainien et soviétique, considéré comme l'un des fondateurs de la géochimie, de la biogéochimie et de la radio-géologie ; fondateur de l'Académie des sciences de l'Ukraine. Le texte en question : Ukrayinskiy vopros i rousskoje obchtchiestvo.
[12] Jules Monnerot (1908-1995) : sociologue et essayiste français.
[13] La Grande Famine (Holodomor), survenue entre 1932 et 1933 en Ukraine, était la conséquence de la politique de l’URSS de collectivisation forcée de l'agriculture. La collectivisation s’accompagnait de l’exécution impitoyable des quotas obligatoires imposés aux paysans qui devaient fournir des produits agricoles dépassant la capacité de production de leur ferme. Au moins 3,5 millions de personnes en sont mortes de faim en Ukraine.
[14] Nikita Khrouchtchev (1894-1971) : homme politique soviétique ; 1953-1965, Premier secrétaire du Comité central du parti communiste de l'Union soviétique ; 1958-1964, Premier ministre de l'URSS.