JURIJ ŁAWRYNENKO
Iouri Lavrinenko, Kultura, 1959, n° 3.[1]
C'est en Autriche, en 1947, après quinze ans d'errance à travers les vastes étendues de l'Eurasie soviétique, la pensée encore tourmentée par le souvenir de la Grande crise de l'Est, que j’ai trouvé, un jour, un article dans un journal qui a ravivé mon intérêt pour le problème des « situations à la frontière de l’extrême ». L’article apportait un compte rendu inédit d'un entretien qui s’était tenu à Munich, en 1932, entre cinq intellectuels allemands dont le plus importait Oswald Spengler[2]. Au cours de leur débat, ils qualifièrent le moment historique (la veille de l'arrivée d’Hitler au pouvoir) comme le début d’une catastrophe qui menaçait de s’abattre sur l'Allemagne et l'Europe de l'Ouest. La question suivante fut alors posée : que devait-on faire, quelle attitude un individu conscient du danger et confiant dans ses propres forces devait-il adopter ? Puisque tout le monde semblait attendre la réponse de Spengler, celui-ci la formula ainsi : du point de vue de l'efficacité, dit-il, il est peut-être trop tard pour résister tant physiquement que spirituellement ; face aux circonstances particulières, exceptionnelles, alors que le sacrifice est inutile, l'individu a le droit d’être relevé de ses obligations pour un temps.
Sur quoi, l'un des participants du débat interrompit Spengler, en affirmant que le sens moral ne connaît pas de concept de sacrifice inutile. Spengler laissa passer cette remarque et poursuivit son raisonnement. Il existe des moments, dit-il, où un opposant actif peut rendre à l'ennemi plus de service que son fervent partisan. Dans un tourbillon violent, tous les éléments participent à l’intensification du mouvement rotatif de sorte qu’il est impossible de distinguer le frein de la force motrice. C'est le moment où - comme dans le cas d'une armée vaincue - toute la charge de la responsabilité est transférée du groupe à l'individu. A la suite de ce transfert, l'individu dépasse, dans sa responsabilité, ses propres limites. L'individu doit alors prendre une décision définitive. Des choses qui frôlent le miracle peuvent se produire. La décision définitive d’un individu est à même de prendre une valeur inattendue et affecter gravement le destin futur de l'ensemble de l'humanité. A ce stade, les décisions morales peuvent se transformer en une énergie physique.
La condition préalable, nécessaire à la prise de ce type de décision, est d’avoir reconnu avec précision la direction. Il existe toutefois des moments où la reconnaissance, même approximative, de la direction à prendre est impossible. Tout repose alors sur la foi, une foi qui résulte de deux forces qui interagissent dans l'individu : ce sont sa force morale ainsi que sa capacité de voir, de comprendre. Ce qui importe ici, ce ne sont pas les racines morales et culturelles de l'individu, comme facteurs distincts, mais la foi et l'intuition qui naissent de l'interaction de ces deux parties intégrantes de l'être humain.
C'est alors qu'émergent dans l'individu ces forces primordiales qui sont à la base de la continuité et de l'éternelle renaissance de l'histoire. Et c'est alors que l'homme semble acquérir la capacité de pénétrer du regard l'obscurité du moment de l’histoire qu’il est en train de vivre, d’en saisir la nouveauté qui lui échappait jusqu'alors.
L’improvisation inspirée de Spengler m'a surtout frappé par le fait qu’il y surmonte le fatalisme, le pessimiste de son précédent ouvrage, Der Untergang des Abendlandes [Le Déclin de l’Occident], et que cela s'est produit au moment précis où sa propre formation culturelle se trouvait déjà au bord d’un précipice. Il a par conséquent lui-même illustré sa théorie (bien que, physiquement, il n'ait pas survécu à la crise). Mais quand on limite la théorie de Spengler à l'expérience de l'Europe occidentale, on n’obtient pas d’explication complète du problème tel qu'il est apparu dans les pays de l'Union soviétique et, plus récemment, dans les « démocraties populaires ».
Dans la théorie de Spengler, le « nouveau » et « l'ancien », la « naissance » et la « mort » ne se recoupent pas. Le philosophe ignore ce qu'est la mort du nouveau-né. On aurait cru que la crise de l'Occident (comparée à la crise de l'Est) n'a pas encore atteint de situations à la frontière de l’extrême. Le totalitarisme de l'Occident - le point culminant de la crise en Occident - n'était en fait qu'une excroissance, un cancer que le couteau chirurgical de la Seconde Guerre mondiale a permis d'éliminer. Ni le processus pathologique lui-même, ni la procédure chirurgicale appliquée n'était pas une « naissance du nouveau » ; il s'agissait plutôt de l'autodéfense de « l'ancien ».
De plus, Spengler ne connaissait pas de « situations à la frontière de l’extrême » qui est une crise en évolution constante, un destin permanent. Pour lui, le moment de « la décision définitive » constitue le drame à son zénith, et non pas une courbe dynamique de la crise. Et enfin, l’individu spenglérien responsable n'est pas encore confronté à un dédoublement de personnalité, la lutte se situant, pour l'instant, dans le monde extérieur et non dans l’âme. Il n’est pas encore confronté dans un face à face au « compromis avec le diable », devenu un ordre implacable de l'histoire, implacable comme la volonté de Dieu.
Dans les « démocraties populaires », jusqu'à la chute de Staline, la situation ne différait pas tellement, si ce n'est en intensité, de l'image que Spengler avait brossée. Rien de « nouveau » n'est né, on ne faisait que défendre « l’ancien », et on le faisait avec succès. L'individu pouvait encore dissimuler son vrai visage sous un masque, perdurer dans une zone neutre, sauvegarder dans son âme le précieux héritage de « l'ancien ». Comparée au totalitarisme occidental, cette situation rappelle davantage la véritable crise de la « situation à la frontière de l’extrême » de l'Est. Malgré la proximité de l'Ouest, l'atmosphère y était plus incertaine, le pressentiment de la catastrophe plus fort.
Entre 1945 et 1946, l'Aigle blanc [revue polonaise d’émigrés] a publié les mémoires de Ryszard Wraga[3] sur son séjour en Ukraine soviétique à la fin des années 1920. A propos de la pièce de théâtre de Mykola Koulich, Le prophète du peuple, Wraga dit, en soupirant, que la Pologne aurait pu s'estimer heureuse si sa littérature, asservie par le bolchevisme, avait produit un drame aussi puissant que la pièce de Koulich, capable d’asséner à l’occupant une gifle aussi violente. A l'époque, je ne partageais pas le pessimisme de Wraga. Il me semblait qu'il sous-estimait le potentiel spirituel de son propre peuple. Aussi, lorsque l'ouvrage de Milosz, L'Esprit captif, a été publié en 1953, j'ai été particulièrement frappé par les passages suivants :
Il ne faut pas s'étonner qu'un écrivain ou un peintre doute de l'opportunité de la résistance. S'il était persuadé que son œuvre, allant à contre-sens de la ligne officiellement prescrite, avait une valeur durable, il aurait probablement décidé de ne pas se préoccuper de la publier ou de l’exposer. Il pense cependant qu'un tel travail serait artistiquement faible - et il n'a pas totalement tort.
Notons que le facteur déterminant ici n'est pas la résistance extérieure, qui serait en effet inutile, mais l'incapacité de l'individu à s’accorder avec sa propre conscience. « L'écrivain, selon Milosz, ne croit pas qu'il lui faille écrire des pages destinées « à son tiroir ». Il estime que son art aura plus de vigueur s'il est soumis à la stérilisation officielle. A la lumière de l'expérience des écrivains de toutes les républiques soviétiques, une telle affirmation semble quasi paradoxale. Dans toutes les littératures nationales de l'URSS, art véritable et opposition sont devenus presque synonymes. Les exceptions à cette règle n’ont pas d’importance. Et cette ligne tacite s’applique à l’art, en URSS, depuis près de quarante ans.
Mais à peine L'Esprit captif eut-il fait le tour du monde, dans de nombreuses traductions, que les événements de Pologne et de Hongrie [de 1956] prouvaient que le pessimisme de Czeslaw Milosz était infondé, que la Pologne et la Hongrie avaient préservé le germe du « nouveau ». Il n’est pas là question d'une « victoire ». Au contraire, j'y vois la défaite la plus profonde, l’arrivée de la « situation à la frontière de l’extrême », avec toutes ses implications et dynamiques de l’Est. Quiconque essaie d'imaginer l'état émotionnel et l'impasse spirituelle des écrivains hongrois qui ont été abandonnés par l'Occident et qui se trouvent maintenant dans des prisons ou qui, au retour de cachots, retournent à une existence d'esclavage spirituel, comprendra ce que je veux dire. Et pourtant, même réprimé, le soulèvement a montré aux Hongrois que tout n'est pas perdu : il n'y a rien à espérer de l'extérieur, mais il reste la possibilité d'une renaissance intérieure, une renaissance qui ne peut avoir lieu que dans l'âme humaine.
C'est de là que naît la « situation à la frontière de l’extrême » où coexistent, dans un lieu étroit, la naissance et la mort.
« Silencieux est le brouillard qui, du même linceul, enveloppe dans le sommeil la mort et le commencement ». Ces mots, écrits par le poète ukrainien Theodosiy Osmatchka, reflètent parfaitement la situation actuelle en Ukraine.
A l’Est, au fil des décennies, les circonstances historiques ont créé et consolidé une situation de crise extrême. Les participants de cette crise ont vécu deux catastrophes. Lors de la première (1919 - 1921), les jeunes républiques indépendantes d'Ukraine, du Belarus, du Caucase et d'Asie ont été incorporées à l'empire bolchevique modernisé. Au cours de la seconde (1931-1936), la destruction planifiée a touché non seulement les groupes nationaux et culturels, mais atteint le noyau spirituel de l'homme. « Une situation à la frontière de l’extrême » qui dure depuis quarante ans ! Spengler n'avait pu se l’imaginer. A cette nouvelle échelle temporelle, la vie humaine semble raccourcie. L'homme ne peut ni vaincre le destin ni y survivre. Les compromis douloureux avec le diable (même au prix d'un abandon spirituel partiel) deviennent inévitables. Les remparts de la dernière forteresse de résistance, c’est à dire de l'âme humaine, se brisent alors. Désormais, la bataille se déroule sur le territoire intérieur de l'homme. Il est à présent en guerre tant contre l'ennemi extérieur que contre une partie de lui-même. La vie « à la frontière de l’extrême » s'apparente à la descente infinie le long de « l’échelle de la damnation ». L’échelle est la même pour tout un chacun, mais chacun la descend seul, comme les Espagnols condamnés dans Pour qui sonne le glas d'Hemingway.
Comme s'il parlait au nom de tous les écrivains de l'Ukraine soviétique, l'éditeur Kark (un personnage de la nouvelle de Mykola Khvylovy) déclare : « Au nom de la victoire, nous allons détruire nos âmes, mais personne ne saura comment nous avons accompli l’œuvre de la destruction ».
Dans cet essai, je veux présenter comment quatre des écrivains les plus importants de l'Ukraine soviétique « ont détruit leur âme », chacun à sa manière, au nom de la victoire sur le mal. Il sera question de : Pavlo Tytchyna, Mykola Khvylovy, Mykola Koulich et Theodosiy Osmatchka. Je me suis limité à ces quatre exemples pour donner une idée, au moins approximative, de diverses variétés de « la décision décisive », au sens spenglérien du terme.
Pavlo Tytchyna, ou « le Jeu avec le diable »
Pavlo Tychyna, 66 ans, autrefois le plus grand poète ukrainien après Chevtchenko, n’est aujourd'hui que le président de la République soviétique d'Ukraine, le vice-président du Conseil des nationalités de l'URSS, et il appartient à l'élite du plus grand empire du monde.
Outre ses qualités de politicien, le poète de Tytchyna maîtrise parfaitement toutes les langues européennes et dix langues asiatiques, il est excellent traducteur de poésie et grand amateur de musique. De sensibilité excessive dans sa vie privée, il a tendance à marcher sur la pointe des pieds, à parler à voix basse et s'isoler des bruits, presque à la manière de Proust.
Il doit sa célébrité littéraire à son premier volume de poèmes, Les clarinettes solaires. Sa poésie des « clarinettes » était universelle dans son amour, sa lumière et sa tonalité au point que chacune de ses strophes semblait faire résonner toutes les cordes de l'univers. Les trois volumes suivants (A la place de sonnets et d'octaves, Charrue et Vent d'Ukraine) font de Tytchyna un maître du tragique et du lyrique. A la même époque, il commence à publier des extraits du poème Skovoroda, conçu comme l'équivalent ukrainien de Faust. Tout cela se déroule entre 1918 et 1926. Le destin s'est ainsi montré avare avec le poète : même pas une décennie complète pour réaliser son oeuvre ; et pourtant les trois décennies suivantes pendant lesquelles Tytchyna avait durement travaillé pour parachever son suicide poétique, absolument conscient, n’ont pas suffi pour détruire la bâtisse qu’il avait érigée au cours de huit premières années de création.
Dans Les clarinettes solaires, ses poèmes accompagnent le Printemps des peuples. Mais Tytchyna lancera le premier l’avertissement suivant : la mort s’est déjà glissée dans le berceau du nouveau-né.
Ouvrez en grand le portail - la mariée arrive,
Ouvrez le portail en grand - sur le ciel bleu azur,
Regards, cœurs et chants se turent, dans l'attente.
Et la porte s'ouvrit – sur les morts de la nuit.
La porte s'ouvrit – sur les routes dans le sang.
Au milieu des ténèbres – sur les pleurs retenus, un torrent de pluie.
C'était l’an 1919, à l’Est : c’est la première fois que s’installe la « situation à la frontière de l’extrême ». La catastrophe était inattendue, elle s’est abattue avec la rapidité de l'obscurité qui tombe sur la ville, un midi de l’éclipse solaire. Au milieu de la terreur et de la destruction totales, Tytchyna continue sa parole puissante, tragique, centrée sur l'image de la Vierge en douleur devant son fils sur la croix, devant le peuple, l'humain. Plus tard, il abandonne son luth parnassien aux cordes d'or et publie un bouleversant volume A la place de sonnets et d’octaves, un exemple classique de la poésie « à la frontière ».
Dans son poème Les Douze, le grand poète russe Alexandre Blok n'hésite pas à identifier les douze gardes rouges ivres de sang aux douze apôtres que le Christ lui-même conduit. Comme pour y répondre directement, Tytchyna écrit : « Ô, le cruel esthétisme ! Quand cesseras-tu d'admirer la gorge tailladée ? Les animaux qui s’entredévorent ». Et à ceux qui justifient la terreur par une noble cause, Tytchyna répond : « Une grande idée exige des sacrifices. Mais est-ce un sacrifice quand un animal en dévore un autre ? Tout peut s'expliquer par une grande idée, mais pas le vide dans l'âme ». Et encore : « Jouer du Scriabine à des gardiens de prison n'est pas encore une véritable révolution. A la place de sonnets et d'octaves, je vous maudis tous, tous ceux qui se sont mués en bêtes ».
Mais personne n'a tenu compte des avertissements du poète, que ce soit dans son pays ou en Occident. Tytchyna a clairement prévu la victoire du mal, au moment même où tout le monde s'attendait encore à un mieux. Il savait que, pour l’individu, le moment de sa « décision définitive » est arrivé. L'opportunité d'une résistance ouverte - même spirituelle – a été remise en question. Dieu lui-même semblait imposer un compromis avec le diable. Les inoubliables strophes et antistrophes de ce volume s'interrompent soudain par une question, ironique, amère : « Ne devrais-je pas, moi aussi, poser un baiser sur le bout de la pantoufle papale ? ». (Il y est question bien entendu du pape de la Troisième Rome, le chef de l'Empire bolchevique).
Le Vent d'Ukraine est le dernier volume de Tytchyna dans lequel il existe encore quelques signes de la résistance, et le premier qui comporte l’acceptation du compromis. Mais si Tytchyna entend, dans le compromis, respecter scrupuleusement ses termes, le diable moderne considère ce même compromis comme un moment de répit, avant de nouvelles pressions. Entre 1931 et 1934, 25 % des paysans ukrainiens et 75 % des intellectuels du pays périssent sous les coups inattendus du Kremlin. La deuxième « situation à la frontière de l’extrême » se dévoile dans toute sa brutalité et, pour la deuxième fois, les écrivains sont confrontés à la nécessité de prendre leur « décision définitive ». Quelle donc sera-t-elle ? La plupart des écrivains choisissent la destruction. Comme la jeune fille dans du poème de Lessya Ukrainka qui déclare, avec orgueil : « Vous pouvez me tuer si vous voulez / mais vous ne me forcerez pas à vivre. »
Seuls 15 % des écrivains acceptent le sort des « paroliers de Staline ». Parmi eux, le premier est Pavlo Tytchyna, le plus grand, le plus profond des poètes ukrainiens !
L'attitude de Tytchyna présente tous les signes extérieurs d'un renoncement total à soi. Ces signes ne sont peut-être qu'extérieurs. La littérature ukrainienne a déjà connu l’histoire analogue d’un génie littéraire : Taras Chevtchenko sauvegarde ses œuvres dans un tiroir et préserve au fond du cœur la lumière de sa malheureuse nation. Sous la sentence condamnant Chevtchenko à dix ans de déportation, le tsar Nicolas Ier ajoute de sa propre main : « Et qu'on lui interdise d'écrire et de dessiner ». Le cas de Tytchyna était différent, plus compliqué. On ne lui a pas interdit d’écrire mais ordonné d'écrire. Pour éviter que l'âme du poète ne devienne en captivité le refuge d'une lumière spirituelle, l'occupant l’a remplie de la pierraille. C'est à ce moment que Tytchyna est entré dans la phase de la véritable « situation frontière » laquelle dure depuis vingt-cinq ans.
Sa vie sera-t-elle plus longue que cette crise ? Et si ce n'est pas le cas, quel signe ou quelle preuve transmettra-t-il à la postérité pour prouver que son autodestruction spirituelle n'a pas été vaine ? S’il ne destine pas ses pages « à son tiroir », aux générations futures (comme Chevtchenko), il doit être dans un état moral qu'aucune plume ne peut décrire.
Mykola Khvylovy, ou « la Mort vaincue par la mort »
Ce personnage controversé s'est vu à titre posthume attribuer deux épithètes : Staline a qualifié Khvylovy de « bandit littéraire » alors qu’une partie de la presse ukrainienne émigrée l'a nommé le « matricide communiste ».
En réalité, Khvylovy était un modèle de modestie, un fils dévoué et un ami fidèle à l’excès. Il alliait dans son œuvre le lyrisme avec l’ironie, une sincérité virile et une cruelle satire. Alors que Staline n'était pas encore érigé en « dieu » et que personne ne soupçonnait une nouvelle crise, Khvylovy s’écriait « Vive la non-paix ! », et jetait l'immense force de son talent dans la lutte contre le tourbillon général à venir, menaçant déjà. Ce n'était pas seulement une négation, une critique mais aussi un programme et l’acte du grand « commencement ». Khvylovy était certain de deux choses : de la victoire, de la renaissance des peuples asservis de l'Est ainsi que de sa propre disparition prématurée. De ces deux facteurs découlaient des sentiments contradictoires que l’on retrouve en parallèle dans son œuvre : la joie de la renaissance et le douloureux pressentiment de la mort.
Le destin ne lui a laissé que six ans (entre 1921 et 1926) pour accomplir son travail d’écriture et formuler sa confession de foi. Les sept années suivantes n’ont été que lutte : un mutisme obstiné qui se termine par un coup de feu dans la tempe. Pris de la frénésie créatrice, Khvylovy a réussi pendant ces six années à publier neuf livres, à créer sa propre école littéraire et enfin son propre style (le reste de sa production - dont deux romans - a été détruit, avec l'auteur). Son style, que l’on nomme le romantisme vigoureux, le romantisme actif, se trouvait à l'opposé du « réalisme socialiste » des staliniens. Dans ses œuvres satiriques, il réussit à montrer le vide éthique du communisme. Il arrache au parti une trentaine de talents ukrainiens, parmi les plus remarquables, et crée le groupe littéraire, le plus fort et le plus radicale, WAPLITE [Académie libre de littérature prolétarienne]. Il sème une graine dans l'âme des jeunes avec son programme qu’il résume en ces mots : « Savoir comment penser et ressentir ». Il combat les prétentions de Moscou à l'hégémonie culturelle, lance son mot d’ordre « Loin de Moscou ! », proclame l’union avec une Europe « faustienne » et prophétise l'avènement de la « Renaissance asiatique », le Printemps des peuples de l'Est. Le Parti engage son appareil dans la lutte contre le « khvylovisme », mais le « khvylovisme » s’est déjà mis à pénétrer d’autres républiques de l'URSS. Staline décide alors d'intervenir en personne, et l’action de Khvylovy est condamnée. Ce verdict lui parvient à Vienne, où il s’est rendu pour recevoir des soins, en janvier 1927. C’est là que l'écrivain est confronté à sa « décision définitive ». Il aurait pu rester en exil, mais cela aurait signifié déserter les rangs qu'il avait lui-même formés et menés au combat. A Vienne, il rédige donc son « acte de repentance » qu’il envoie à la presse soviétique, où il se remet « à la merci du Parti communiste ». Il meurt ainsi en tant qu'écrivain.
Mais on n’a pas encore fini avec lui. S'il était revenu de l’Occident, ce n'est nullement pour prendre des bains solaires dans la « grâce communiste ». Le Comité central du Parti lui a ordonné d'écrire un nouveau livre dans l'esprit du « réalisme socialiste ». Khvylovy n'a jamais respecté cette consigne. Entre-temps, vient un nouveau cataclysme, et une avalanche s'abat sur l'Ukraine. Au moment même où les arrestations massives commencent parmi les intellectuels ukrainiens, Khvylovy (au retour d'une tournée dans des villages ukrainiens dévastés par une famine artificielle) invite ses collègues écrivains chez lui, prétextant la lecture commune de son nouveau livre. Cela se passe le 13 mai 1933. Joyeux et plein d'esprit comme d’habitude, il s'excuse un instant auprès de ses hôtes, va chercher dans une pièce voisine le manuscrit de son livre et se suicide. Sur la table, on retrouve des lettres adressées à ses amis et au Comité central du Parti. La lettre de Khvylovy au Comité central du parti, écrite avec « son sang » était déchirante. Les jeunes y ont vu une héroïque déclaration d'indépendance. Depuis lors, depuis un quart de siècle, le Kremlin n'a cessé de traquer tout ombre de Khvylovy en Ukraine, appelant haut et fort à combattre les « germes du khvylovisme ».
Tytchyna, qui n'avait pas appartenu au parti, est arrivé au communisme. Khvylovy, qui en était membre depuis 1919, s'est éloigné du communisme. Le danger même du « khvylovisme » réside dans le fait que son créateur était communiste et qu’il a trouvé en lui assez de force, de courage pour couper ses racines idéologiques.
Dans la nouvelle Mon être, Khvylovy a donné une image type du dédoublement de l’âme et de l’affrontement des forces autodestructrices. « Je suis un tchékiste, mais un homme aussi, déclare « l'être », le président du tribunal tchékiste de 1919. Les autres personnages de la nouvelle ne font que compléter les deux moitiés de l’âme du héros principal. La ligne tchékiste est représentée ici par les membres du tribunal : le docteur Tahabat à l'apparence physique et le rationalisme cruel rappelant Lénine, et la sentinelle qui porte le surnom de « Dégénéré » et personnifie l’extrême du programme tchékiste. L’humain est personnifié par Andriy, un jeune étudiant qui se rebelle contre son inclusion forcée au tribunal de la Tchéka (qu'il qualifie de hachoir à viande). Au sommet de cette ligne humaine s'élève la mère du protagoniste qui, aux yeux de son fils tchékiste, devient une « Marie miraculeuse se tenant au bord des siècles oubliés ». La tragédie est rapide, inévitable : « l’être » se débat entre deux pôles magnétiques. D'un côté, l'éthique d'un but lointain, l'utopie d'un « communisme inaccessible qui s’étend loin au-delà des montagnes, un paradis créé par l'homme ». De l'autre, la mère aimante et aimée qui perpétue l’image de l'éternelle Marie, symbole des origines divines du monde. L'amour nietzschéen du lointain s'oppose ici à l'amour christique de son prochain : deux sentiments inconciliables qui cohabitent pourtant dans une même âme humaine. Quelle sera la solution ? Le tribunal de la Tchéka aux commandes de « l’être » condamne un groupe de religieuses à être fusillées. Sa mère en fait partie. Soumis à la logique de Tahabat, « l'être » tue sa mère de ses propres mains, la serrant contre son cœur dans un accès d'hystérie. Par une nuit de pleine lune, pressé par les troupes ennemies, il recule vers le nord alors que la lueur d’un feu tragique s’élève au-dessus son village natal et, devant les yeux vitreux du héros, se transforme en une flamme magique, celle « d'un inatteignable communisme ».
C'est donc la destruction de la vie même, de ses racines essentielles, les plus profondes. Dans cette nouvelle, Khvylovy ouvre la coque du communisme et montre que son intérieur est vide, privé de contenu éthique. Et aussi il situe au premier plan la figure de la mère, cette « Ewig Weibliches » qui, chez Goethe, met fin aux recherches de Faust. L'image de la mère, introduite par Tytchyna et Khvylovy, a déclenché une véritable épidémie dans la littérature ukrainienne des années 1920. Presque tout écrivain de l’époque écrit au moins une œuvre avec la mère pour figure centrale.
Mykola Koulich, ou « Le chemin du Golgotha comme décision définitive »
Mykola Koulich (né en 1892, les dernières nouvelles de lui datent du 15 juin 1937, du Goulag de Solovki) était un proche ami de Khvylovy. Les deux écrivains avaient de nombreux points communs, ils se distinguaient par une modestie innée, par une conduite honnête, d’une chevaleresque élégance. Koulich était lui aussi membre du Parti depuis 1919. Les deux aimaient employer le pathos dans leur art, sauf que Khvylovy l’assaisonnait d'ironie et de sarcasme ou du feu pur de la tragédie, tandis que Koulich alternait son pathos romantique avec l’humour et la tragicomédie. Cette subtile différence entre les deux talents a provoqué le choix divergeant de leur « décision définitive ». Même leur aspect extérieur était différent, face à un Koulich à l’air équilibré se tentait Kvylovy doté d'un tempérament de feu. Contrairement à Khvylovy, Koulich rechignait à se laisser entraîner dans des débats politiques, mais ses comédies et tragicomédies portaient une charge politique importante. Il a débuté avec une pièce 97 : sur le fond de la famine et de la bestialité de masse de 1921, un homme préserve ses normes spirituelles et éthiques élevées, exigeantes, alors que sa vie s'éteint. Dans la tragicomédie Le Prophète du peuple, aînée de vingt ans du Fou de Chaillot de Giraudoux, tant en termes d'intrigue que de perspicacité, il dépeint la schizophrénie qu’engendrent les réformes sociales révolutionnaires. Comme Khvylovy, le communiste Koulich démontre la faillite du communisme en général, et du communisme ukrainien en particulier.
Le philosophe espagnol Ortega y Gasset affirme qu'en temps de crise, on ne sait pas ce qu'est vraiment l’être humain, quelle est sa véritable idéologie. Ce qui semble simple pour tout le monde se transforme, quand on y regarde de près, en un problème complexe, et cela est vrai dans le sens inverse. Dans ce chaos, l'art est le premier lien entre l'humain, son « moi », et la réalité. Mon être de Khvylovy et Le prophète du peuple de Koulich ont été la première confrontation puissante de l'homme soviétique avec la réalité, et avec lui-même - une éruption qui est venue de l'intérieur, déchirant la couche fossilisée du dogme communiste. Il n'est donc pas surprenant que les deux auteurs aient conduit à un recul spirituel du communisme en Ukraine.
Le Parti a été impitoyable dans ses attaques contre Koulich. Toutes les premières de ses pièces sont accompagnées de scandales et de répressions. On lui reproche notamment de soulever l'épineuse question de la nationalité en URSS. Cette même question est le fil conducteur de sa Sonate pathétique, une réponse directe aux Journées des Tourbine de Mikhail Boulgakov. La Sonate pathétique a été mise en scène à Moscou par Tairov ; la première a connu un succès retentissant, mais la pièce a été retirée de l'affiche peu après. Elle n'a jamais été jouée en Ukraine.
« Seul l’individu qui monte sur l'échafaud, qui parle en regardant la mort dans les yeux vaincra par ses idées ». Ces mots de Marina, l'héroïne de la Sonate pathétique résonnent sur la scène d’un théâtre moscovite le 19 décembre 1931, ; trois ans plus tard, dans la prison du MDV, Koulich doit rendre concret, avec ses propres actes, la « décision définitive » de son fier personnage de Marina. Quelle sera-t-elle ? Quand, après le suicide de Khvylovy en 1933, dans un climat de terreur et de désespoir général, la femme de Koulich cache les revolvers de l’écrivain, celui-ci la rassure : « Ne t’inquiète pas, je ne suivrai pas les traces de Khvylovy. Je trouverai assez de force en moi-même pour aller jusqu’au bout ». Il est finalement arrêté et emprisonné dans les camps de travail forcé de Solovki. On avait eu pour la dernière fois de ses nouvelles depuis Solovki, en 1937, puis plus personne n’en a entendu parler. Pendant vingt ans, il était interdit de prononcer le nom de Koulich. Récemment, la Literaturnaya Gazeta[4] a publié l'avis suivant : « Un comité spécial a été nommé pour dresser l’inventaire de l'héritage littéraire de Mykola Koulich ». Ce qui signifie, dans le jargon du Kremlin, que l'écrivain qualifié autrefois par les critiques moscovites de « plus grand dramaturge de l'URSS », a été physiquement liquidé par ses bourreaux.
Teodosiy Osmatchka, ou « La faiblesse comme l’ultime refuge »
De tous les quatre écrivains que j’ai choisis, Teodosiy Osmatchka est le seul à avoir résisté à la fois physiquement et en tant qu’écrivain.
Ce poète, véritablement invincible, a été l'un des premiers candidats à l’échafaud, et pourtant il a refusé d'accepter le moindre compromis. Avec sa ténacité de paysan, il est resté fidèle à ses convictions de chantre de l'individualisme, à sa recherche de la vérité. Aux temps de l'autocritique générale des écrivains, qu’on leur extorquait avec un fusil braqué sur la tempe, il n'a jamais soufflé mot. Lors de son arrestation, il a simulé une maladie mentale. Torturé par les juges d'instruction et par les malades de l'hôpital psychiatrique du MVD, Osmatchka est pendant de longues années resté au fond de l'enfer, il a été libéré et revenu parmi les hommes sous l'occupation allemande de Kiev, en automne 1941. Il était certes libre, mais au lieu du soleil, il est retombé dans les ténèbres de la plus monstrueuse des guerres. Il s'est enfui à l'Ouest, réalisant son vieux rêve de transmettre au monde la vérité sur la « situation de l’homme à la frontière de l’extrême » où il n’existe plus de limite.
Ayant été l'un des poètes les plus en vue dans son pays, avec ses trois volumes de poésie et ses trois romans, il a pris une place de taille dans la littérature ukrainienne contemporaine en exil. Notons toutefois qu’il existe, dans sa prose et sa poésie, quelque chose d'insondable, comme sont insondables les situations infernales que ses personnages connaissent et qu'il décrit, une malédiction éternelle pour la vie de l’âme. Il y a des choses que l'on ne peut simuler impunément. Armé d'une sincérité éclatante, d'un cœur enflammé et du gigantisme de ses métaphores, il mord à pleines dents dans la chair vivante du démon et, avec désespoir, il lève le poing contre l'univers entier, et contre Dieu. Il s’y mélange une incrédulité terrible, la haine et la nostalgie pour l'amour perdu. On y trouve des éclairs de génie, mais ils sont plongés dans l'obscurité de la nuit noire. En tous les cas, nous sommes ici face à une force véritablement indestructible.
Grâce à cette force, « à la frontière de l’extrême » des années 1930, il a pu se réfugier dans la « faiblesse ». Dans le roman autobiographique La Rotonde des assassins[5], le personnage principal, l'écrivain Ivan Brous, réfléchit à sa situation, la nuit précédant son arrestation.
Lutter contre le danger, c'est comme tomber d'un avion dans l’abîme marin et combattre à la surface les vagues.... Il existe une autre force capable d'affronter les puissances qui détruisent la vie.... C'est la faiblesse... Personne n'a jamais fait la guerre à la faiblesse... Depuis quinze siècles, la civilisation chrétienne a même envoyé des croisés au secours de la faiblesse... Mais quelle faiblesse faut-il adopter ? Celle bien entendu qui passe de génération en génération : la maladie mentale. Et Ivan Brus a décidé de simuler la schizophrénie.... Il pourrait même s'entendre avec certaines personnes, se sentir comme un soldat dans une tranchée qui combat l'injustice de l’histoire, en dépit du pessimisme qui souffle de la vie réelle pour détourner son cœur de la résistance.... Et Ivan Brous se frotta nerveusement le front des deux mains.... Ce serait sa façon de se sauver et de combattre...
Ivan Brous a bu jusqu'à la lie la coupe amère de sa « décision définitive ». Quand les inquisiteurs épuisent toutes les mesures qui visent à détecter la simulation, ils transfèrent l'écrivain de l'hôpital de la prison à l'asile de fous.
Voilà donc quatre silhouettes d’écrivains et quatre variantes de « décision définitive ».
Tytchyna a choisi de jouer avec le diable : du poète, il s’est transformé en fonctionnaire politique. Khvylovy a donné un sens concret à son intransigeance et a vaincu la mort spirituelle par la destruction physique. Koulich a livré son credo, en regardant la mort dans les yeux, et il a porté avec humilité sa croix sur le Golgotha. Osmatchka a dissimulé sa puissance sous un masque de faiblesse. Mais derrière ces quatre-là, il y a des centaines d'autres écrivains et des milliers d'autres intellectuels.
Le 20 décembre 1954, l'association des écrivains ukrainiens « Slovo »[6] envoie depuis New York la dépêche suivante :
Pour Moscou, URSS. A l’adresse du deuxième Congrès des écrivains soviétiques. Les écrivains ukrainiens en exil saluent le Congrès et expriment leur profonde solidarité avec les écrivains de toutes les nations asservies de l'URSS. En 1930, les œuvres de 259 écrivains ukrainiens ont été publiées. Après 1938, il ne reste que 36 écrivains sur 259. Enquêtez auprès des autorités policières et dites dans quelles circonstances, et pourquoi, 223 écrivains ont disparu de la littérature ukrainienne.
Puisque cette dépêche était restée sans réponse, le « Slovo » a publié le message suivant dans la presse :
Les pertes de la littérature ukrainienne peuvent être calculées comme suit : 17 écrivains ont été fusillés ; 8 écrivains se sont suicidés ; 175 écrivains ont été déportés aux travaux forcés, ou retirés de la littérature par d'autres moyens policiers ; 16 écrivains ont disparu sans laisser de traces ; 7 écrivains ont disparu de mort naturelle.
Cette poignée de chiffres, qui ne sont sans doute pas exhaustifs puisqu'ils ne concernent que les écrivains ukrainiens les plus connus, peuvent servir de conclusion à notre investigation qui a porté sur l'attitude spirituelle de l'homme confronté à la « situation à la frontières de l’extrême », à ce moment où la société s'effondre abattue par les forces destructrices, quand n’opère plus le facteur moral de l'opinion mondiale, lorsque l'être humain ne peut compter que sur ses propres réserves, sur sa « décision définitive ».
Est-ce que « l’homme spirituel » emportera-t-il la victoire sur les épreuves des situations inhumaines ? Dans son bureau, au calme, il est facile de répondre par un « oui » optimiste, et encore plus facile de dire un « non » sceptique. Il est toutefois difficile d'appréhender la réalité inconnue. En ce qui me concerne, je ne doute pas de ceci : « …l'homme spirituel de l'Est perdure dans des situations à la frontière de l’extrême, il renaît même dans l’étreinte de la mort. Comme nous l'avons vu, il a su exprimer sa foi en la renaissance. Au nom de cette renaissance, il a su aussi comment détruire son âme ; tout seul, au milieu de la nuit la plus sombre de l'Eurasie soviétique, là où « le brouillard, du même linceul, enveloppe dans le sommeil la mort et le commencement ».
A partir de la traduction de l’ukrainien de Gustaw Herling-Grudziński.
[Sauf indication, les notes proviennent de l’anthologie : Zamiłowanie do spraw beznadziejnych. Ukraina w „Kulturze” 1947-2000 [La passion pour les causes désespérées. L’Ukraine dans Kultura] sous la rédaction de Bogumiła Berdychowska, éd. Institut Littéraire et Institut du Livre (Pologne), 2016].
[[1] Cet essai porte sur la génération ukrainienne de « Renaissance fusillée » qui désigne une pléiade d’artistes et d’écrivains actifs dans les années 1920, avant tout de gauche et souvent des communistes de première heure, qui ont été liquidés physiquement pour la plupart ou réprimés par le régime stalinien, dans les années 1930. Le terme a été formulé par le rédacteur Jerzy Giedroyc au moment où il s’apprêtait à éditer, sous la rédaction de l’auteur du présent essai, Iouri Lavrinenko, l’anthologie des auteurs de cette génération. Le volume intitulé la « Renaissance fusillée… » contient la prose, la poésie et les pièces de théâtre, il est paru dans l’Institut Littéraire Kultura, en 1959. Cet important moment de l’histoire ukrainienne qui a influé par la suite sur la formation identitaire de l’intelligentsia ukrainienne est peu connu en France. Toutefois, récemment (juin 2023), l’histoire de cette génération a fait objet d’une séance d’étude à la BNF : « La Renaissance fusillée » en Ukraine, années 1920 – 1930 : figures d’une intelligentsia sacrifiée », les débats sont à consulter sur YouTube [N.d.t].
[2] Oswald Spengler (1880-1936) : philosophe allemand de la culture et de l'histoire.
[3] Jerzy Antoni Niezbrzycki (Ryszard Wraga) (1902-1968) : officier de renseignement militaire avant la Seconde guerre, en exil après la guerre, soviétologue, écrivain.
[4] Literaturnaya Gazeta : hebdomadaire littéraire et sociopolitique soviétique et russe, publié depuis 1929, fondé par Maxim Gorki.
[5] T. Osmatchka, Rotonda duchokhubtsiv, Toronto ( ?) 1956 ( ?)
[6] Slovo (Verbe) est l’organisation d'écrivains ukrainiens émigrés, active de 1954 à 1997 ; fondée à New York le 26 juin 1954, comme une continuation de MUR. Ses fondateurs ; Iouri Cherekh-Chevelov, Iouri Lavrinenko, Mykola Chelemkevytch, Vasyl Barka, Ivan Bakhriany, Bohdan Boytchuk, Svyatoslav Khordynski, Josyp Khirniak, Khryhoriy Kostyouk, Ivan Kochelivets.