CZESŁAW BIELECKI
Parmi les nombreux prix et distinctions que vous avez reçus, vous, Président de l’Ukraine et la Première dame, notre prix Jerzy Giedroyc décerné par Rzeczpospolita revêt une importance particulière, pour nos deux nations et pour notre région géographique. Au vu de la fermeté et de la bravoure du dirigeant que vous êtes et de la Première dame qui est votre partenaire, nous pouvons répéter, comme lors de la mémorable année 1980 : ex oriente lux. Les Ukrainiens et les Polonais montrent à l'Europe ce que la solidarité signifie pour la liberté.
Sous nos yeux, l'Ukraine, sous votre Présidence s'est révélée au monde comme une nation politique. Une nation dans laquelle la citoyenneté s'acquiert en servant la patrie, en s'identifiant à une communauté qui lutte pour l'indépendance, sans distinction des origines, de la langue ou de la religion. Il faut vouloir devenir « serviteur de la nation », écrire ces mots en petites lettres. Comme vous l’avez dit, Monsieur le président, « être une personne simple qui est arrivée pour anéantir le système". Vous avez cent fois raison. Le système est fait par les gens du système. La victoire de la liberté commence par eux. Et c'est dans eux qu’on a ancré la haine, la soif de conquête, l'autoritarisme. Pour les Russes, l’appel à un empire sans frontières constitue encore la seule loi alors que, pour nous, Européens, c'est la liberté à l'intérieur des frontières, à l’intérieur des Etats souverains.
Vous avez dit : « Les gens croient à la parole pendant un temps seulement. Puis, ils cherchent à passer l'action ». Tout comme vous - acteur, présentateur, producteur de films - et votre épouse Olena, architecte de formation et scénariste de vos projets artistiques. Vous avez choisi d'être actifs en politique au moment où une nouvelle attaque russe n'était qu'une question de temps. Les Russes n'ont pas oublié les révolutions colorées en Géorgie et en Ukraine, ils ne vous ont pas pardonné le Maïdan européen, et la conquête de la Crimée et du Donbass n'a pas suffi. Nous, Polonais, n'avons pas besoin que l’on nous persuade que le Kremlin veut d'abord vous détruire – vous, l'Occident de l'Est, puis nous, l'Est de l'Occident - en comptant sur l’abandon des sociétés aisées qui n'ont pas connu le paradis communiste sur terre ou les lois de la paix à la russe.
Certains s’imaginent que, pour être un chef d’un pays en guerre, il suffit d'une tenue de couleur kaki, de gestes et de mots. C'est vous, Monsieur le Président, dans les premiers jours de l'agression russe, lorsqu'on vous proposait de partir de Kiev sous les bombes qui avez prononcé cette phrase mémorable : « J'ai besoin d'armes, pas d'une course de taxi ». Vous avez montré que, dans cette situation dramatique, vous étiez un souverain, et que Poutine n'était qu'un satrape furieux et un menteur. Tout en restant sa cible numéro un et votre famille sa cible numéro deux, c’est vous qui maîtrisez la situation. Comme le héros des Histoires d'Odessa, on pourrait dire de vous que « si l’on avait fixé des poignées au ciel et à la terre, vous pourriez les saisir et approcher le ciel de la terre ». En Pologne, nous sommes capables de voir, d’apprécier votre ténacité. Personne ne nous offrira la liberté, nous devons la prendre nous-mêmes.
Le patron de notre prix, Jerzy Giedroyc, a beaucoup œuvré pour que nos deux nations, après des siècles de différends, parviennent à se comprendre et à comprendre tout ce qu'elles ont en commun. Dans nos hymnes, la Pologne et l'Ukraine ne sont pas perdues tant que nous voulons rester nous-mêmes, en dépit des drames de l'histoire. Nos deux nations sont convaincues que la vie ne vaut la peine d’être vécue qu’en défendant ces valeurs pour lesquelles nous sommes prêtes à mourir. Nous savons sans illusion que nous participons - comme il y a 100 ans, à l'époque de Piłsudski et de Petlioura - à un grand choc des civilisations.
Aujourd'hui, vous et votre Conjointe pouvez dire aux Français, aux Allemands et à bien d'autres héritiers des traditions romaines les mots de Marc Aurèle : « La meilleure revanche est de ne pas ressembler à l'ennemi. La première règle est de garder l'esprit intact. La seconde est de regarder les choses en face et de les voir telles qu'elles sont ».
Monsieur le Président, Madame, que le prix Jerzy Gideroyc de Rzeczpospolita soit un signe de notre alliance est-européenne, entre l'Ukraine et la Pologne!
Slava Ukraini ! Geroyam slava !