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Gratitude


WŁADIMIR MAKSIMOW


Les 40 ans de la revue Kultura1

Vladimir Maximov
Né le 27 novembre 1930 à Moscow
Mort le 26 Mars 1995 à Paris
Ecrivain et journaliste ; fondateur de la revue Kontinient (Continent)

Dans ses vœux prononcés à l'occasion du trentième anniversaire de Kultura, la rédaction de Kontinient (Continent) écrit : Depuis le premier jour de son existence la revue soutient et développe, par tous les moyens, une belle tradition de liens spirituels et de solidarité politique avec les meilleurs représentants de la littérature et des sciences sociales russes, aussi bien en Russie qu’au-delà de ses frontières. Soyez persuadés que nous l'apprécions pleinement et à sa juste valeur et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour rendre la pareille avec la même sincérité et avec autant de persévérance.
Nous espérons que nos objectifs et idéaux communs garantiront notre unité indéfectible et entière. L'existence de la revue « Kultura » dans le monde contemporain est la preuve même que la Pologne et la culture polonaise ne sont pas mortes et ne mourrons jamais.

Dix années se sont écoulées. Dix années de collaboration et d'amitié. Naturellement, notre collaboration et notre amitié n'ont pas toujours été une idylle sans le moindre nuage. Nous avons eu des débats houleux, des discussions sur les principes. Mais nous avions convenu d’un commun accord de ne pas afficher nos dissensions en public, persuadés que la bonne volonté et la tolérance réciproques triompheraient et nous permettraient d’aboutir à un accord. C'est qui arrivait la plupart de temps.
La revue Kultura fut créée juste après la fin de la deuxième guerre mondiale par un groupe d'intellectuels polonais qui, pour diverses raisons, se sont retrouvés en exil politique. Leurs noms sont, aujourd’hui en Pologne, connus de chaque élève.
Ce sont, tout d’abord Jerzy Giedroyc, Joseph Czapski, illustre peintre et écrivain polonais, et enfin l'excellent écrivain et essayiste – Gustaw Herling-Grudziński.
Depuis le début de son existence, les fondateurs de la revue s'opposent à la pensée politique polonaise traditionnelle. En effet, les principes qui régissent la politique de la rédaction touchent à l'hérésie :
1. Renoncer à tout espoir de voir l'Occident aider la Pologne. Ne compter que sur le potentiel interne polonais.
2. Briser les "axiomes" développés pendant des siècles; reconnaître sans conditions le droit de la Lituanie et de l'Ukraine à leur indépendance nationale.
3. Normaliser les relations avec les Allemands, en abandonnant tous les préjugés historiques.
4. Rechercher par tous les moyens l’unification des forces d'opposition et de libération en Europe de l’Est, et surtout inclure les forces équivalentes en Russie.

Tout cela paraît évident aujourd’hui, mais pour en arriver là, il a fallu travailler, souvent de façon inhumaine et ingrate, pendant des dizaines d’années, combattre les préjugés politiques nationalistes et les complexes intellectuels – aussi bien en Pologne qu’en exil.

D’année en année, pas à pas, Kultura a progressivement élargi son influence sur les esprits des Polonais pour, finalement, acquérir une reconnaissance et une autorité nationales.

Les idées que prône Kultura ont eu un fort retentissement, principalement sur l’intelligentsia polonaise d’après-guerre qui, par son amère expérience, avait compris à ses dépens qu’une authentique liberté ne peut être conquise que par un effort commun de toutes les nations asservies d’Europe de l’Est, et ce, en alliance avec la meilleure partie de la Russie, celle qui arrive à réfléchir.

C’est justement Kultura qui fait connaître à l’Occident les auteurs aujourd’hui appréciés dans le monde entier : Czesław Miłosz, Marek Hłasko, Leszek Kołakowski, Witold Gombrowicz et bien d’autres. C’est cette revue qui fait découvrir aux lecteurs polonais (et pas uniquement aux polonais) des auteurs russes - Alexandre Soljenitsyne, Iouri Daniel, Andreï Siniavski, Joseph Brodsky, ou le poète lituanien Tomas Venclova - et qui continue à proposer de nouveaux noms.

Si nous examinons l’histoire de l’opposition politique en Pologne, nous constaterons que l’influence de Kultura y est visible depuis le début, qu’elle se renforce constamment à partir des revendications de l’intelligentsia polonaise après 1956, jusqu’à l’émergence et l’essor du syndicat Solidarność. Ces années de labeur des membres fondateurs de cette magnifique revue ne sont pas perdues ; la graine semée il y a quarante ans a donné et continuera à donner, j’en suis persuadé, ses fruits.

Kultura a donc eu une influence importante sur Solidarność,  mouvement qui a marqué une réelle rupture, et a, ne serait-ce que pour cette raison, une place de choix non seulement dans l'histoire de la Pologne, mais aussi dans l'histoire des combats antitotalitaires en général. Ce n'est pas un hasard si nous - exilés de Russie et de l'Europe de l'Est - sommes nombreux à considérer que cette revue n'est pas uniquement polonaise, mais qu'elle est aussi la nôtre.
Le credo de Kultura fut exprimé de façon très claire dans un article de Joseph Czapski publié dans le numéro 12 de notre revue Kontinient (Continent) : La situation internationale évoluant sans cesse, les changements en Pologne exigent des analyses toujours renouvelées. « Kultura » a  pris part et continue à prendre part à tout ce qui pourrait éveiller le sentiment de responsabilité et aviver la conscience politique de la société polonaise.  Chaque crise du système totalitaire est  l’occasion de cristalliser une opposition politique stable. « Kultura » veut être l'un des points de ralliement de cette opposition, et, dans la mesure  du possible, pas le seul. Instinctivement « Kultura » s'oppose à tous les jugements et toutes les opinions portés à priori, laissant même à ses adversaires la liberté d'expression et la possibilité de participer à la lutte commune.
Dès les premiers jours d'existence de la revue, nous nous sommes opposés à tous les nationalismes en Pologne y compris à l'antisémitisme auquel le régime actuel a fait appel en 1968, déshonorant ainsi le nom de la Pologne.
Nous combattons pour la « Res Publica » libre de tout fanatisme national, nous cherchons à développer le sentiment que notre patrie commune n'est pas uniquement la Pologne, mais est  aussi toute l'Europe centrale et orientale.
Il y a une douzaine d'années, suivant un conseil d'Alexandre Soljenitsyne, je suis allé rencontrer la rédaction de Kultura pour enfin entamer un dialogue sérieux entre nos deux peuples. Douze ans c'est peu par rapport à un projet qui doit changer le destin de nos pays, mais quelque chose fut initié, le dialogue continue, et tôt ou tard - j'en suis persuadé - amènera à une pleine compréhension mutuelle.
La bonne volonté  des deux parties, chose la plus importante dans chaque discussion, en est la garantie.
En pensant à nos amis de Kultura la veille du quarantième anniversaire de leur revue, je définirais mon sentiment à leur égard par un seul mot : gratitude.

Vladimir Maximov

Novembre 1986 


1 Dans Kultura Souvenirs et opinions, éd. Puls Publications, Londres, 1987

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